dimanche, décembre 13, 2009

LEMM : quelques clarifications

J'ai reçu plusieurs commentaires très intéressants, par email ou sur le blog (merci Patrice). Je vais répondre sous forme de post pour pouvoir suivre une démarche structurée (et aussi parce que Blogger m'a perdu ma première réponse sous forme de commentaires, ce qui m'a hautement frustré).

(1) Email et Gestion de boite

Un des commentaires que j'ai reçu remarque que chacun utilise sa boite-aux-lettres de façon différente (avec des dossiers, etc.). Pour une personne qui conserve tous ses emails reçus, la notion de taille de boite « N » n'a pas beaucoup de sens. En effet, il faut considérer dans le post précédent N comme le nombre de messages actifs qui attendent un traitement. La plupart des gurus de l'efficacité recommandent d'utiliser une autre structure pour sauvegarder l'ensemble des emails reçus, mais ceci est un autre sujet. Celui qui m'intéresse est bien ce que Patrice Legoux appelle la « minimisation du stuff à faire ».

C'est d'autant plus important à préciser que la Loi de Little (N = l x T) , ne fonctionne avec T = temps de traitement que si N représente précisément la « nombre d'emails pour lesquels il reste quelque chose à faire ».

Comme on me l'a fait remarquer, ce qui rend la méthode de gestion de la boite importante n'est pas théorique mais pratique. En théorie, on pourrait balayer sa boite, classer et prioriser et gérer des files d'attentes multiples. Dans la pratique, il y a l'erreur humaine, qui augmente en fonction de la taille de la boite.

(2) JIT email, indépendance et couplage

Le lecteur aura remarqué que la pratique du JIT induit un couplage entre émetteur et destinataire. C'est une contrainte (assurément) qui réduit l'indépendance de chacun au sein d'un processus globale, ce qui peut ressembler à une régression. On touche à une des aspects contre-intuitifs du Lean. C'est pour cela que je n'imagine pas une seconde la pratique du JIT comme une vertu en soi, mais plutôt comme une déclinaison au courrier électronique de la pratique du Lean chez les knowledge workers.

Un exemple simple et illustratif est celui de la veille technologique. La pratique usuelle est que les « veilleurs » poussent leur information dès qu'elle est prête. Les destinataires s'en servent quand bon leur semble. La pratique Lean est au choix d'utiliser un serveur de documents pour que destinataire soit en mode « pull » et aille chercher l'information au bon moment, ou alors d'envoyer le rapport de veille par email « au bon moment ». Ce couplage impose que le veilleur connaisse le calendrier des besoins de ses lecteurs. C'est assurément contraignant, mais c'est aussi une source d'efficacité : plus les lecteurs s'expriment sur leur besoins, plus la veille est pertinente.

(3) email et autres canaux de communications

Je suis bien sur 100% d'accord avec Patrice Legoux lorsqu'il insiste sur le fait que le courrier électronique n'est qu'un outil parmi d'autres et qu'il faut considérer l'ensemble pour avoir une vue globale (en terme d'efficacité).

C'est même ce sur quoi je travaille depuis 4 ans sous le nom de démarche SIFOA (cf. les posts plus anciens de ce blog) : caractériser les différents canaux pour pouvoir comparer leur efficacité. C'est ce qui m'a permit de faire quelques comparaisons entre email, réunions, IM et téléphone.

Mais le fait de voir un système global n'empêche pas d'étudier les sous-systèmes ! C'est ce que je fais depuis 3 ans sur les réunions. Les réunions forment un canal de communication très complexe et on ne peut pas se restreindre à une seule vue globale de type SIFOA (à un moment, il faut se restreindre sur son champs d'investigation pour mieux analyser – qui trop embrasse mal étreint J). Je suis même allé plus loin en étudiant en détail les réseaux d'affiliation formés par les systèmes réunions. L'étude du réseau « email » est très intéressante en soi, indépendamment du couplage avec les autres réseaux de communication. Cela d'autant plus que c'est un réseau simple et explicite, qui a été bien étudié dans la littérature scientifique (cf. mon second livre pour quelques références). On sait de plus en plus de choses sur ce canal de communication, ce qui permet de confronter l'analyse à la réalité, ou de faire des simulations avec les « vrais » paramètres.

On peut faire le parallèle avec l'architecture organisationnelle (le titre de ce blog). Je ne prétends pas une seconde que l'analyse structurelle que je fais (cf. la décomposition de Bolman entre structure, politique, ressource humaine et symbolique) est une approche compréhensive du management ! La structure n'est qu'une petite partie du sujet … mais c'est une partie que je maitrise mieux que d'autres, et pour laquelle les méthodes scientifiques que je développe (ex : GTES) permettent d'obtenir des résultats. Ces résultats ne sont que des « insights » parmi d'autres, mais non moins intéressants.

(4) Mesurer l'impact du spell-out email ?

On m'a demandé s'il existait des études, au-delà de l'intuition systémique. Je n'en connais aucune, mais compte-tenu des informations disponibles sur les vitesses de lectures et d'écriture, il doit être possible de faire des simulations. Une application pratique de cette règle, que l'on trouve dans de nombreuses chartes est le fait de présenter chaque pièce jointe. Il est recommandé, lorsqu'on inclut un document Word, de mettre un résumé de quelques lignes qui explique le contenu de la pièce jointe. Si cette règle a émergé dans de nombreuses entreprises, on peut conjecturer qu'elle est efficace. On peut aussi essayer de le démontrer, si l'on dispose d'une indication statistique sur le nombre de fois ou l'on ouvre une pièce jointe sans intérêt (du point de vue du destinataire). On pourra remarquer que cette règle est due à la lenteur de l'ouverture d'un document joint, et que la longueur du résumé doit être inversement proportionnelle à l'efficacité du PC du destinataire J

(5) Lien entre le « early packet discard » et l'abandon d'email.

Un ami m'a fait remarquer la similarité entre le protocole de routage IP dans lequel le routeur commence à perdre des packets de façon progressive avant d'arriver à la saturation de ses buffers. Cela permet aux protocoles astucieux, de type TCP, de détecter ces pertes et de s'adapter en terme de routage ou de débit. Le fait de ne pas répondre aux emails fonctionne en effet de façon semblable : ne pas répondre rapidement, ou du tout, est une façon efficace de signaler « au système » que l'on est saturé. C'est d'ailleurs la seule solution « auto-adaptative » lorsque le trafic email devient trop important. Cependant, le fait que ce « protocole » fonctionne ne le rend pas désirable pour autant, et je persiste à penser que la limitation du trafic à la source est plus efficace J

(6) LEMM et outils

Patrice me demande s'il faut aborder le sujet de l'efficacité par les outils. Cela dépend ce que l'on appelle un outil. Je ne fais aucune hypothèse sur l'outil de courrier électronique. Je m'intéresse simplement à un canal asynchrone, multi-destinataires explicites, avec boite de stockage. Tout ce que j'écris s'appliquerait de la même façon à du courrier physique, à des messages Facebook, etc.
Précisément l'approche SIFOA que je développe consiste à faire une abstraction de chaque canal de communication (sync/async, nombre de destinataire, vitesses de lecture/écriture, stockage, latence …) pour pouvoir ensuite comprendre et comparer l'apport de chaque canal.

L'intérêt d'une telle approche, que je qualifie de systémique (parce qu'elle cherche à étudier la communication d'entreprise en tant que système), est de donner des propriétés qui sont vraies de façon générale. Par exemple, ce que je cite comme « insight du lean », le fait que la variabilité du temps de réponse augmente avec le taux de charge, est vrai indépendamment de l'outil ou de la règle que les agents utilisent pour gérer leur boite aux lettres.

dimanche, décembre 06, 2009

Lean eMail et Loi de Little

Je reviens aujourd'hui sur un de mes sujets favoris : le « lean eMail Management» (LEMM), c'est-à-dire l'approche lean appliquée au courrier électronique. Je vais aujourd'hui enrichir ma réflexion par un peu de systémique appliquée, d'où la référence à la Loi de Little, la célèbre formule des files d'attentes.

Dans mon post de Novembre 2007 (deux ans déjà !) j'ai proposé de déduire de l'approche lean quelques principes de gestion des emails, et plus précisément des principes pour réduire les flux. Le point de départ de cette nouvelle réflexion est la consultation de l'excellente « Charte pour un bon usage des messageries électroniques dans un cadre professionnel », un document en projet produit par l'ORSE (Observatoire sur la Responsabilité Sociétale des Entreprises) qui sera bientôt rendu public

Je ne vais pas parler de ce document avant qu'il soit rendu public mais son introduction réaffirme des idées qui sont dans l'air du temps (et que l'on retrouve dans le Chapitre 5 de mon livre) : le courrier électronique est sorti de sa « zone de confort », nous écrivons et recevons trop de mails, ce qui prend trop de temps (plus de deux heures par jour pour la moitié des personnes interrogées dans une étude) et provoque une surcharge cognitive (ce qu'on appelle le trafic mental dans les techniques de gestion des priorités). Une des références sur le sujet, citée par Jean-Pierre Corniou dans mon commentaire sur le Lean Worker, est l'article « surcharge organisationnelle, urgence et TIC » de H. Isaac, E. Campoy, M. Kalika. D'une part, les études montrent que nous passons beaucoup de temps à surveiller notre boite email, et d'autre part, chaque interruption (aller lire subrepticement l'email qui vient d'arriver) nous coûte : 64 secondes pour reprendre le fil de sa pensée, et 10 points de QI selon l'étude de l'université de Londres que j'ai citée plusieurs fois. De plus, une boite email trop remplie augmente le temps que nous mettons à répondre (je vais y revenir, c'est l'application directe de la loi de Little) et augmente ce que les consultants en efficacité appelle le « rework » : refaire plusieurs fois la même chose (par exemple, relire plusieurs fois l'email que nous décidons de remettre à plus tard). Très logiquement, ce post va reprendre la question « comment éviter les boîtes trop remplies », sous l'angle de la systémique.

Cette approche me conduit à développer 4 principes, dans la suite du post précédent, mais en affinant l'aspect analytique. Aujourd'hui je vais me contenter de poser les principes de l'analyse, mais il est facile de voir qu'il y a matière à simulation et à faire passer dans une dimension quantitative. Dans un franglais ignoble, voici la liste :

  • JIT email : l'email juste-à-temps, qui n'utilise pas la boite comme espace de stockage temporaire
  • Spelled-out email : l'email construit et rédigé, qui simplifie la tâche du lecteur
  • Email Protocol : réguler le flux des emails qui donnent du travail au lecteur
  • Reduire le email span : Il existe d'autres outils que l'email pour « avoir plein d'amis », il vaut mieux rester sur un réseau raisonné.

Rappelons la Loi de Little :

N = l x T, ou N est le nombre d'emails dans la boîte, l est le taux d'arrivée, T le temps total de séjour (traitement inclus).

Nous voyons tout de suite de nombreuses pistes pour réduire N J

1. Just-in-time email

La première façon de réduire N, c'est de réduire T, et la première façon de réduire T c'est de réduire la partie "attente avant traitement". On retrouve très logiquement un des principes du lean manufacturing qui a donné le « juste à temps ». Le JIT email, c'est celui qui arrive dans la boîte aux lettre au « bon moment », ni trop tôt (parce qu'il encombre) ni trop tard (parce qu'on n'a plus le temps de le traiter).

Il y a plusieurs degrés de maîtrise dans cette approche :

  1. Ne pas pousser un mail trop tôt « pour s'en débarrasser » (réduire son trafic mental en augmentant celui des autres)
  2. Lorsqu'on demande quelques chose dans un email, donner une indication claire de la fenêtre de temps de la réponse attendue (ce qui favorise l'application de (1))
  3. Lorsqu'on demande quelque chose, prendre la disponibilité du destinataire en compte ! Cela peut se faire dans un monde 2.0 avec des indicateurs de présences, des statuts, l'utilisation de l'IM … mais cela se fait aussi avec un bon vieux coup de fil avant de pousser une pièce jointe de 10 pages à relire.

Le JIT email ne peut pas exister comme pratique autonome, c'est la déclinaison au courrier électronique de la pratique lean dans le monde des knowledge workers, consistant à ne pas pousser la charge de travail, mais à la « tirer ». Je fais une différence implicite entre le message de deux lignes (type statut de Facebook) qui peut être poussé, et le message qui requiert une réponse et un travail (temps de traitement important).

Une petite remarque pratique, basée sur une technique que j'applique depuis quelques années. Pour développer le JIT du coté du lecteur et surtout pour éviter le « rework », je m'astreins à colorer chaque email (merci Outlook) à la première relecture avec un code couleur selon la priorité :

  • Jaune, orange, rouge : nécessite une réponse – c'est de la procrastination, mais organisée J
  • Vert : information – je laisse l'email dans la boite, car je n'ai pas envie de le ranger ailleurs, mais il ne nécessite aucun traitement
  • Violet : tâche en cours – rien à faire pour l'instant, mais cela reviendra (par exemple lorsqu'un collaborateur m'aura répondu)

Tout email qui n'est pas coloré est détruit, et je ne fais pas deux fois l'acte de coloration. J'estime avoir gagné de 10 à 20% dans mon temps de traitement des emails.


2. Spelled-out email

La deuxième piste pour réduire T est de réduire le temps de traitement et de s'attaquer à l'asymétrie qui existe entre celui qui écrit et celui qui reçoit. L'urgence pousse à envoyer des demandes mal formulées :

  • Abus de pièces jointes
  • Message « pour information »
  • Questions mal explicitées
  • Etc.

Ce n'est pas que la mauvaise volonté qui conduit à pousser « la charge de traitement » sur le destinataire : on écrit moins vite qu'on ne lit. J'ai déjà abordé ce sujet dans mon livre et dans un post précédent.

La pratique du « spelled-out » email, qui est encouragée par la plupart des chartes (dont celle rédigée à Bouygues Telecom lorsque j'étais DSI), consiste à déplacer une partie du travail sur le rédacteur de l'email, en lui demandant de mieux préparer son courrier pour faciliter le travail du lecteur. Le bénéfice systémique est double :

  • Puisqu'il faut plus de temps, cela réduit le nombre d'emails produits J
  • On gagne en temps de traitement, et par application de Little, on réduit la taille des boites et on augmente la rapidité.

Cet argument s'applique également pour comparer l'email avec d'autres canaux de communication. Laisser un message vocal est encore plus asymétrique : cela demande peu d'effort pour celui qui laisse le message (on parle plus vite qu'on n'écrit), mais cela prend plus de temps pour celui qui reçoit (on lit plus vite qu'on écoute). C'est ce qui fait l'intérêt d'un service de « speech-to-text » comme celui de Spinvox. Au contraire, la communication au travers d'un blog d'entreprise exige un effort plus important de celui qui écrit (et je suis bien placé pour le savoir). L'intérêt principal de la communication par blog vient avant tout du concept de « Broadcasting ciblé », mais il y a également un bénéfice systémique de « préparation du contenu ».


3.Email Protocol

Revenons au cas d'un email qui contient une demande qui exige un travail (temps de traitement significatif). L'application de l'approche lean exige de vérifier la « disponibilité » du destinataire, c'est un cas particulier et plus fort du JIT. Quelque soit la méthode ou l'outil, il faut s'assurer en amont que celui qui reçoit la demande dispose du temps pour la traiter. C'est ce que j'appelle le « email protocol » : il faut un protocole qui définisse de quelle façon je peux envoyer au destinataire un email qui va lui prendre 1heure ou 1 jour de travail. La théorie des files d'attentes va nous aider à justifier cette affirmation forte. Que se passe-t-il lorsque le nombre d'emails significatifs (avec temps de traitement) augmente ?

  1. Dans un premier temps, le temps de lecture augmente (cf. les 2 heures mentionnées en introduction). Cette augmentation a un fort impact sur le temps utile de travail personnel, qui diminue d'autant. Compte tenu du temps passé en réunions, déplacements, travail administratif, c'est une perte sensible d'efficacité, qui paradoxalement augmente le temps de traitement des emails les plus complexes qui exigent ce travail personnel. On retrouve la loi simple des file d'attentes : le temps de service augmente lorsque le taux d'occupation croit (facteur 1/(1-A))
  2. Dans un deuxième temps, la boite devient un outil de triage des priorités. Les messages attendent en fonction de leur priorités, suivant une loi qui est souvent exponentielle dans les modèles de « decay » (e^-kt). La probabilité d'être traité décroit en fonction du temps, soit jusque l'oubli, le dépassement de la deadline, ou l'abandon. C'est la seule réponse systémique lors de l'inflation non contrôlée du nombre d'emails, puisque, pour la plupart des gens, il faut aussi travailler J Au défaut systémique de l'allongement de la latence s'ajoute alors les taux de pertes, car tôt ou tard des erreurs de priorisation se produisent (ce que nous savons tous lorsque notre boîte devient trop volumineuse).

Le problème ne vient pas seulement de la longueur de la pile de messages, mais aussi de sa dispersion. Si le taux de charge augmente trop (pas assez de temps « libre » pour jouer le rôle de buffer pour absorber l'irrégularité des demandes), la taille de la pile fluctue et le temps de service en conséquence (voir les courbes dans cet article). De la même façon cette irrégularité du temps de traitement augmente la taille moyenne de la pile, selon la Formule de Pollaczek-Khinchine (voir le rôle de Cs dans la formule : plus cette variation de service augmente, plus la file d'attente s'allonge).

On retrouve une intuition géniale du lean : un système couplés de file d'attentes n'offre aucune garantie de temps de service si les files sont trop chargées. Dans un monde ou les boites emails sont pleines, la même demande qui représente 10 minutes de travail peut recevoir une réponse en une heure comme en une semaine, même si elle est prioritaire.

Une fois de plus, nous nous retrouvons dans une situation de « tragédie des communs ». D'un point de vue individuel, chaque envoi d'email (dans le cas d'un « email requête ») est justifié par la recherche d'un surcroit d'information (même avec une faible probabilité, cela reste un gain). En revanche, de façon globale et systémique, ces envois supplémentaires bloquent le système global : (1) le temps d'attente augmente, puis, (2) la qualité et la probabilité d'obtention de la réponse diminue. La réponse au paradoxe de la tragédie des communs est, classiquement, la régulation. C'est pour cela que je supporte la charte pour un bon usage préparée par l'ORSE.


4.Email Span

Pour finir, nous pouvons introduire le diamètre du réseau social associé, en définissant le nombre moyen de destinataires que chaque personne touche en un mois. Cette approche est semblable au diamètre réunionel introduit dans ce blog et développé dans mon dernier livre (et en particulier en annexe). Il se trouve que la même loi s'applique à nouveau ! La vitesse de propagation de l'information est fonction de deux choses : le nombre d'étapes pour qu'une information passe de la source au destinataire final, et le temps qu'il faut pour chaque étape, qui est précisément le T que nous avons introduit plus haut. En première approximation :

  • Le nombre d'étape est proportionnel à log(DI) / log(De) (même raisonnement que pour les réunions, DI étant le diamètre informationnel)
  • T est proportionnel à la taille de la pile ou du nombre de messages, soit globalement De.

On retrouve une formule en (De/Log(De)), qui nous indique que plus on parle à un réseau étendu, moins l'information se propage vite, car la bande passante de lecture de chacun étant constante, la partie affectée à chaque emetteur décroit comme (1/De). C'est la même remarque qui permet de comprendre la limite des «organisations plates » (lorsqu'on a 30 N-1, la fréquence à laquelle on peut les rencontrer décroit fortement !).

Nous aboutissons donc à une tension constructive :

  • Pour décloisonner l'organisation il faut ouvrir les réseaux et augmenter le diamètre de chaque employé
  • Pour augmenter l'efficacité, il faut conserver des petits groupes fortement connectés avec une haute fréquence

La solution de ce dilemme est précisément l'entreprise 2.0 ! Plus précisément, il faut introduire l'intermédiation propre aux canaux 2.0 tels que les blogs, les micro-blogs ou les walls. Le principe d'intermédiation, associé au broadcast sélectif, consiste à remplacer le pattern :

X –(z)-> Y (X transmet l'info z à Y)

Par :

X -> Z <- Y (X publie l'info z, et Y vient la lire si cela l'intéresse)

L'avantage évident est de pouvoir décloisonner (toucher un public large) sans consommer une part indue de la bande passante collective, ce qui arriverait si j'envoyais lundi cet excellent texte à cent collaborateurs de mon entreprise, sous le prétexte que le courrier électronique est un sujet qui les intéresse. Dans une entreprise 2.0, on peut restreindre l'usage de l'email à un réseau plus restreint sans perdre en efficacité (cf. l'usage de l'email sous Facebook avec un réseau fermé d'amis, qui devient l'outil asynchrone favori des ados au détriment de l'email classique).

Conclusion : A Suivre …

Ce post marque une étape dans ma réflexion sur le LEMM mais je suis loin d'avoir fait le tour de la question ! Cette vision systémique appelle une simulation, dans le cadre de mon projet de simulation des flux d'information et d'architecture organisationnelle (SIFOA). Ce type de simulation devient de plus en plus pertinente car la sociométrie du courrier électronique commence à exister (cf. mon plaidoyer pour la sociométrie de la collaboration d'entreprise). C'est un des intérêt du rapport de l'ORSE, il cite des vraies études avec des vrais chiffres.

Pourquoi escalader la complexité de la démarche en passant à la simulation ?: parce qu'il faut des réponses quantitatives, il n'y a pas de vérités universelles ! Le courrier électronique est un outil remarquable, c'est son abus ou sa mauvaise utilisation qui pose problème.