dimanche, novembre 14, 2010

Petite bibliographie d’architecture organisationnelle

Je termine les dernières notes du livre que j'ai écrit cet été et j'en profite pour relire quelques classiques et mettre de l'ordre dans mes idées. Je vais commencer aujourd'hui par faire une liste de mes livres préférés sur ce sujet, ce qui constitue ma « petite bibliothèque de l'organisation (des entreprises) ». Elle est plus fournie que celle de 2005, et j'ai déjà commenté dans des billets précédents une partie des livres qui sont cités (le reste suivra un jour …). Un autre exercice intéressant serait de faire une petite bibliographie des livres pratiques sur le management (dans laquelle on retrouverait les « grands témoins »). En attendant, voici ma sélection :

  • Bolman L. G., Deal T.E., Reframing Organisations – Artistry, Choice and Leadership. Jossey Bass, 2003.
    c'est le premier livre que j'ai lu sur le sujet de l'organisation et qui reste pour moi une référence, parce qu'il distingue 4 plans (structure, politique, ressources humaines, symbolique) et qu'il explique chacun de façon remarquable. Le thème de ce blog s'inscrit dans le plan structurel, mais il faut rester modeste : les aspects structurels sont souvent masqués par les autres plans. En particulier, les dimensions symboliques des organisations sont très importantes (ce que j'ai appris en étant DSI pendant 5 ans). Dans sa première partie sur la structure, ce livre fait la part belle aux schémas de Mintzberg, qui distingue dans l'organisation : the strategic apex (direction générale), la techno structure, le support staff, le middle line et the operating core. Ce schéma assez simple permet de faire quelques considérations sommaires selon les tailles relatives de ces 5 éléments, mais cela ne déflore pas le sujet de l'architecture organisationnelle.
  • Drucker P., The Essential Drucker. Collins Business, 2005.
  • Drucker P., Management Challenges for the next century,. HarperBusiness, 1999.
    Ces deux livres sont des synthèses ou des collections d'articles, qui permettent de se familiariser avec la pensée de Drucker. En attendant de faire ma propre synthèse, voici quelques pépites. Tout d'abord Drucker défend les hiérarchies (« One hears about the end of hierarchy. This is blatant nonsense"), mais milite pour des organisations hétérogènes, qui mélangent différents principes ("There is a need for a number of different management structures coexisting side by side"). Drucker fait également un double playdoyer pour les structures et la culture d'entrepreneur ("Organizational Structure is needed", "For the existing business to be capable of innovation, it has to create a structure that allows people to be entreprenarial"). Peter Drucker est agreeable à lire à cause de son sens des formules. Par exemple, sur le sujet souvent abordé dans ce blog de la communication : « The so-called communicator, the person who emits the communication, does not communicate. He utters. Unless there is someone who hears, there is no communication, there is only noise. » En revanche, et même si Drucker est probablement le père du concept de "Knowledge Worker" que j'utilise beaucoup, je n'ai pas trouvé beaucoup d'insights sur l'architecture organisationnelle à la lecture de ses livres.

  • Gabarro J. (ed), Managing People and Organizations. Harvard Business Review Press, 2005.
    Ce livre est une sélection des meilleurs articles de la Harvard Business Review sur ce sujet, c'est une véritable référence et un plaisir à lire. J'apprécie particulièrement les contributions de Kotter et de Mintzberg. Voici par exemple une citation de Kotter que j'ai déjà reprise : « Management is about coping with complexity. Its practices and procedures are largely a response to one of the most significant developments of the twentieth century: the emergence of large organizations. Without good management, complex enterprises tend to become chaotic in ways that threaten their very existence. Good management brings a degree of order and consistency to key dimensions such as the quality and profitability of products. Leadership, in contrast, is about coping with change. Part of the reason it has become so important in recent years is that the business world has become more competitive and more volatile ». Parmi les thèmes qui sont bien traités, on trouve le rôle du manager et la gestion du temps. Tout n'est pas excellent, l'article qui traite exactement du thème de ce blog, « Organization Design », est creux et verbeux.

  • Galbraith J., Designing Organizations. Jossey-Bass, Wiley, 1998.
  • Galbraith J., Designing the Customer-Centric Organizations. Jossey-Bass, Wiley, 2005.
    Jay Galbraith est le spécialiste de l'organisation orientée client. Le chapitre 2 de « Designing Organizations » est le meilleur texte que je connaisse sur le design organisationnel (on pourrait ajouter les classiques schémas de Mintzberg, mais je préfère Galbraith). On y trouve « the star model » (qu'on retrouve dans le livre de Lawler), et une vraie discussion dans le chapitre 3 sur les liens entre la structure de l'organisation et les propriétés de l'entreprise (le vrai sujet, en fin de compte). On trouve également les différents leviers, ou autrement dit les différents traits (plat ou profond, central ou décentralisé, hiérarchique ou matriciel, différent types d'alignement sur les processus métiers, selon différentes catégories, etc.). Galbraith est un avocat de la flexibilité et du changement en termes d'organisation. Le monde de l'entreprise n'est pas figé, son organisation doit évoluer constamment (d'autant plus que toute organisation est un compromis entre des objectifs contradictoires). Le chapitre 8 est consacré à l'organisation orientée client, c'est un résumé de ce que l'on trouve dans le deuxième livre. Ce deuxième livre est plus pratique et plus appliqué, et, selon moi, moins intéressant J Il contient plein de conseils pratiques pour mettre en œuvre cette « organisation orientée client ».

  • Hamel G., The Future of Management. Harvard Business School Press, 2007.
    J'ai failli ne pas citer ce livre car j'ai été déçu à sa lecture, surtout avec un titre aussi intéressant. Avec le recul, il reste une bonne lecture et contient quelques passages fort intéressants, en particulier sur pourquoi les entreprises américaines ont autant de mal à appliquer les principes du lean management façon Toyota (cf. mon prochain livre J). Il traite beaucoup du management de l'innovation, un sujet clé pour lequel j'ai une autre bibliographie avec une quinzaine de livres ! Le livre se termine avec quelques pages sur le « management 2.0 » qui reprennent ce à quoi on peu s'attendre en lisant par exemple le blog de Cavazza ou de Duperrin. Même si elles ne sont pas très originales, les idées du « management du futur » sont convaincantes : on y trouve la variété (une leçon de la biologie), la flexibilité (une leçon des marchés), l'activisme (au sens 2.0, de la démocratie), le sens (un point clé de la motivation, cf. Daniel Pink et sa sublime vidéo … si vous le l'avez pas vue, laissez tomber ce blog et allez la voir !) et la sérendipité (une leçon des villes). De façon plus générale, tout comme Galbraith, Gary Hamel est un promoteur de l'innovation dans le management. Les trois leçons qu'il propose à ce sujet sont savoureuses : (1) l'innovation de management redistribue le pouvoir, donc ne vous attendez pas à plaire à tout le monde, (2) au début, le coût de l'innovation est plus visible que ses bénéfices et (3) ne soyez pas timide (pensez Google J).

  • Jarosson B., 100 ans de Management – Un siècle de management à travers les écrits. Dunod, 2004.
    Un livre que je recommande chaleureusement (c'est le seul livre en français de la liste, et le plus facile à lire, tout en étant dense). Une excellente source pour se remémorer les idées des grands penseurs de l'organisation du début du 20e siècle (Taylor, Fayol, Weber, Mayo, Coase). Le chapitre 5, sur la motivation avec les fondamentaux (Maslow, Herzberg, …) et une introduction à l'analyse transactionnelle, est excellent. Beaucoup de référence à Mintzberg, en particulier dans le chapitre 9 sur la dimension structurelle (et les organisations matricielles).

  • Lawler E., From the ground up : six principles for building the new logic corporation. Jossey-Bass, 1996.
    Un livre qui n'est pas sans rappeler celui de Langdon Morris. Le point de départ est que l'organisation hiérarchique « work best as long as work is simple and stable ». Sur la base d'une séparation entre « old logic » and « new logic », on retrouve le principe de « creating order out of chaos » (le chaos est créé par les nouvelles conditions du business : rapidité, hyper-compétition, incertitude, etc.). Lawler s'inscrit dans la suite de McGregor, et de ses Théories X (le fondement des grandes organisations hiérarchiques du 20e siècle) et Y (un modèle plus participatif fondé sur la motivation, que l'on retrouve facilement dans les principes des start-ups, par exemple). A titre d'exemple, et pour citer un proverbe chinois qui illustre le concept de « level 5 leader » de Jim Collins (clairement un point de vue de la Théorie Y), « The best leader is one who, when he is gone, they will say we did it ourselves ». On y retrouve également les fondements de l'organisation orientée-client, construite autour de ses processus métiers. Le cœur de l'organisation est la motivation des employés, avec une vision très proche du lean selon Toyota (engagement et sens de la valeur que chacun apporte au client). Très logiquement, les équipes jouent un rôle fondamental dans cette « nouvelle » organisation (cf. Chapitre 7). Sur le sujet de la théorie X et Y de McGregor, je vous recommande l'excellent article de Matthew Stewart, « Theory U and Theory T », qui commence par une analyse des travaux de McGregor et de leur influence sur le management d’aujourd’hui, avant d’introduire deux axes : U(topian) et T(ragic) qui lui permette de rafiner les Théories X et Y selon une matrice à quatre cases.

  • March J., Simon H., Organizations. Second edition, Blackwell Business, Cambridge, 1993.
  • Morgan G., Images of organization. Sage Publications, 2006.
  • Mintzberg H., Managing. Berett-Koehler Publishers, San Franciso, 2009.

  • Morris L., Managing the Evolving Corporation. Van Nostrand Reinhold, 1995.
    Ce livre de Langdon Morris a joué un rôle important dans l'évolution de mes idées et je m'appuie dessus dans mon livre precedent, ainsi que le prochain. Il méritera que je lui consacre un billet entier. Par exemple, il explique très bien le concept « on the edge of the chaos », une application de la
    théorie de la complexité. Le domaine de la complexité s’inscrit dans l’interface entre l’ordre et le chaos, c’est là qu’on trouve l’émergence, l’auto-organisation, la vie (cf. le billet précédent). Sa plus grande contribution est de montrer pourquoi le modèle de « contrôle-commande » propre aux hiérarchies et aux bureaucraties doit être remplacé par un modèle « reconnaissance- réaction » qui s’appuie sur la distribution des responsabilités et une organisation en réseau (ceci est expliqué en détail dans mon précédent livre). En quelques mots, il s’agit d’une question de stabilité, de variabilité (en particulier de ce qu’il appelle « the rate of change »), et d’incertitude. Les conditions d’efficacité de l’organisation « contrôle commande » ne sont plus remplies. Ecrit en 1995, ce livre est prémonitoire des caractéristiques de l’entreprise 2.0 (cf. le chapitre 3 et ses caractéristique de l’organisation du futur). Evolution et Apprentissage sont les maitres mots, je vous renvoie à mon prochain livre, intitulé « Processus et Entreprise 2.0 ».

  • Nadler D., Gerstein M., Shaw R. and Associates, Organisational Architecture, Jossey Bass (Wiley), 1992.
    Un recueil d’articles qui part un peu dans tous les sens. Le 8e, « teaching organizations to learn : the power of productive failures » est le plus intéressant, meme s’il traite moins de “design organisationnel” que les autres chapitres. De même le 6e chapitre sur la gestion de la qualité totale est absolument remarquable. Le cœur du livre est le chapitre 5 qui décrit les « high-performance work systems », autrement dit les organisations de demain. On y retrouve un mélange des principes du lean (customer-centric, organizational learning, capacity to reconfigure, control of variance at the source) ainsi que des principes des organisations en réseau/bottom-up telles que décrites par Langdon Morris. Les 60 premières pages contiennent des généralités sur l’architecture organisationnelle, qui sont assez banales même si plaisantes à lire.

  • Perrow C., Complex Organizations – A Critical Essay. Mc Graw-Hill, 1986.
    Au-delà de ce que j'ai déjà écrit sur ce livre, il faut noter le premier chapitre "Why bureaucracy ?" qui contient une analyse très construite des forces et faiblesses du modèle de l'organisation du 20e siècle (je vais y revenir). Parmi mes citations préférées : « Bureaucracies are set up to deal with stable, routine tasks », « Organizations remember by doing . They keep records and write manuals, but memory involves more than this … routines are the skills of the organization». Ce dernier point sera développé dans mon prochain livre … Je n'ai pas cite "An Evolutionary Theory of Economic Change" de Nelson & Winter, car c'est un livre plus difficile d'accès, mais Perrow le cite abondamment.

  • Senge, P., The Fifth Discipline. Currency Doubleday, 1995.
    Je m'aperçois à cet occasion que je n’ai toujours pas fait de résumé dans ce blog, une lacune que je vais essayer de réparer bientôt. Il ne s’agit pas d’un livre de théorie du management, mais bien d’une contribution à la théorie de l’organisation parce que Peter Senge place l’entreprise au centre d’une analyse systémique. Il en déduit l’importance de l’apprentissage, et plus précisément de la capacité à apprendre des nouvelles compétences en continue (le « double loop learning » de Chris Argyris). Cette vision systémique conduit également Senge à parler de « the illusion of being in control », avec un accent sur le « localness » et l’humilité qui n’est pas sans rappeler le lean. Comment apprendre dans un monde complexe ? en équipe ! Le chapitre 12 (« Team learning ») est également une référence dans la communauté du lean (à la quelle Peter Senge contribue).

  • Shafritz J. M., Ott J.S., Classics of Organisation Theory. Wadsworth, 2001.
    C’est le livre le plus “universitaire” de cette liste, puisqu’il s’agit d’une collection d’articles et de textes qui ont marqués l’histoire du management. A lire après avoir lu Jarosson, c’est plus un ouvrage de référence (pour pouvoir lire la pensée originale de Fayol, de Taylor ou de Weber). Le texte célèbre de Simon sur l’administration est remarquable et très instructif. On y retrouve également un texte de Peter Senge tiré de «The Fifth Discipline ». Le chapitre 5, intitulé « Systems Theory and Organizational Economics » est entièrement dédié à des sujets connexes avec ce blog. On y retrouve les fondamentaux que sont les systèmes complexes, la théorie des transactions, et l’analyse des finalités de l’organisation
    .

Qu’est-ce que tous ces livres ont en commun ? Ils partagent la conviction que le mode d’organisation de l’entreprise doit évoluer au 21e siècle, pour quitter la bureaucratie (au sens de Max Weber) et introduire une forme de réactivité émergente basée sur des réseaux dynamiques (si cela ressemble à de l’entreprise 2.0, ce n’est pas un hasard). Selon Max Weber, la bureaucratie, qui est une évolution de l’organisation hiérarchique, se distingue par quatre caractéristiques :

  • Le principe de compétence (la séparation de la décision et de l'action, qui permet de spécialiser et de développer des compétences abstraites)
  • Le principe d'ordre/contrôle (« control-command » en anglais, cf. le livre de Langdon Morris)
  • La séparation des intérêts privés de l'intérêt général, avec l'émergence de l'entreprise en tant que personne morale
  • La supériorité des règles sur les relations personnelles (les procédures et les standards).

On reconnait dans ces traits des avantages déterminants pour les entreprises du 20e siècle (je ne développe pas, c'est précisément très bien fait dans les livres que je viens de citer). Lire par exemple « In praise of Hierarchy » de Jacques Elliott dans « Managing People and Organizations ». La bureaucratie se prête parfaitement à l'optimisation fonctionnelle et à la spécialisation, elle hérite naturellement du management scientifique de Taylor (même s'il ne faut pas confondre les deux - la fin du billet sur le « Business Process Communication Model »). La bureaucratie est une organisation « scalable », à même d'affronter des grands défis et de croitre pour mobiliser des ressources considérables (on pense au challenges de la NASA ou aux grandes entreprises américaines). La décomposition permet la spécialisation, la séparation de la pensée et de l'action favorise la capitalisation, la scalabilité (une fois de plus), l'optimisation.

En revanche, tous ces avantages s’appuient sur une certaine stabilité des tâches à accomplir. La critique de la bureaucratie (Lawler, Morris, etc.) commence toujours par établir les limites en termes d’agilité et de flexibilité. L’approche lean est précisément une critique de la séparation pensée/action face à des défis complexes et changeants. Le « control-command » doit laisser la place au « recognition-response » dans un environnement incertain : c’est sur le terrain qu’on reconnait les opportunités, pas dans une « tour de contrôle », fut-elle un panoptique. La bureaucratie engendre des flux importants de communications, qui augmentent de façon non-linéaire avec la taille et l’incertitude. C’est le sujet de la moitié des billets de ce blog J L’organisation du 21e siècle doit reprendre le contrôle de ces flux de communication et favoriser des circuits plus courts et plus rapide. C’est le mariage du lean et du 2.0, ce qui est précisément le sujet de mon prochain livre.

Pour conclure, il existe un excellent site (MIX : Management Innovation eXchange) sur le management de demain dont je vous recommande le manifesto. En attendant la sortie de "Processus et Entreprise 2.0", c’est une excellente synthèse de ce que peut être l’organisation de demain, post-bureaucratie, et avec un rôle allégé et différent de la hiérarchie (car, comme Drucker, je ne crois pas à une grande organisation sans hiérarchie).

dimanche, octobre 10, 2010

Manager l'émergence


Comme promis, je vais faire un petit compte-rendu de lecture sur le livre de Gareth Morgan, « Images of Organization ». Ce livre, un classique de 1986 réédité en 2006, traite des différentes métaphores de l’organisation de l’entreprise. La seconde édition est considérablement enrichie en ce qui concerne les références aux systèmes complexes, à la théorie du chaos et à l’émergence. Commençons par une petite liste de quelques points clés du livre, avec ma partialité habituelle en faveurs des thèmes d’intérêt de ce blog :


  • Le chapitre qui traite de l’organisation en tant qu’organisme (métaphore biologique) est très riche. On trouve p. 40 un très bon encadré (double page) sur les systèmes complexes (du point de vue de la biologie) et ce qu’on peut en tirer (homéostasie, entropie, environnement, variété, etc.). Les mécanismes de différentiation et intégration et leurs rôles dans l’évolution sont très bien expliqués.
  • Un tableau emprunté à Burns & Stalker comparent différents styles de management, et en particulier dans la façon de traiter les flux d’information. Dans des entreprises modernes (par exemple du monde de l’électronique), « the communication process is unending and central to the concept of organization »). Comme quoi cette idée – essentielle pour ce blog – n’est pas neuve (1961).
  • La seconde métaphore, l’organisation comparée au cerveau, est non-moins passionnante. Le chapitre commence par une référence aux travaux de Karl Lashley sur la nature holographique du cerveau des rats, qui continuent à fonctionner même lorsque 9/10 de la matière a été enlevée ! La redondance implicite est un des principes qui guident les travaux sur l’autonomic compting. Les principes de « holographic design » sont explicités page 100 et sont très pertinents pour l’organisation de l’entreprise. Listons les sommairement : inclure l’ensemble dans les parties (utiliser le concept de DNA d’entreprise, généralisation des compétences, intelligence en réseau), s’appuyer sur la redondance, introduire la variété et une forme de complexité qui est assortie à celle de l’environnement dans lequel l’entreprise évolue, réduire les spécifications au minimum (car elles sont des points d’ancrage qui bloquent l’évolution) et, surtout, s’appuyer sur l’apprentissage (learn to learn). On retrouve bien sur une référence au double-loop learning de Peter Senge – un sujet qui mériterait un développement.
  • Page 91, Gareth Morgan explique précisément que les méthodologies de TQM (gestion de la qualité totale), telles que le lean, sont précisément des approches de « double loop learning » J Ce livre est plein d’insights sur le lean … comme par exemple le rôle clé des « buffers » et sa dualité : d’un coté le buffer est un gaspillage « they create the kind of autonomy and space on which politics and empire building thrive … », d’un autre coté, si l’on supprime toutes les marges de manœuvre, le système se bloque « When there are no buffers to absorb error, there is no room for error. Systems of production must thus become error-free ».
  • Une idée brillante, due à Jay Galbraith, relie l’organisation à la nature de l’incertitude que l’entreprise doit traiter. C’est un point que j’ai souligné dans mon dernier livre (également bien expliqué par Langdon Morris). Plus il faut gérer des informations incertaines, moins la rigidité de l’organisation hiérarchique est appropriée. L’explication est systémique : l’incertitude exige une boucle retour (de feedback), les boucles ne sont pas facilement traitées par les structures d’arbres. « The core insight emerging from was that the ability of a system to engage in self-regulating behavior depends on processes of information exchange involving negative feedback”. J’ai d’ailleurs appris au passage que cybernétique (un mot du à Norbert Wiener dans les années 40) vient du grec « kubernetes », le navigateur.
  • Le principe de « Requisite Variety » de William Ross Ashby, précédement évoqué, est une des contributions clés de la systémique à la conduite des organisations. Il stipule que la complexité interne d’un système régulé doit être équivalente à la variété et complexité de l’environnement dans lequel il évolue. On peut aussi dire la complexité d’un système de contrôle soit être supérieure ou égale à celle de l’objet ou l’environnement qui est contrôlé (ce qui est très important dans de domaine de l’ingénierie de systèmes).
  • Le chapitre sur l’organisation en tant que « psychic prison » est également très intéressant, même s’il est plus éloigné des préoccupations de ce blog. On y trouve par exemple une longue explication l’analyse Jungienne et son application à MBTI.
  • Le chapitre 8 « Unfolding Logics of Change – Organization as Flux and Transformation » est consacré précisément au sujets de ce blog, et en particulier aux apports des systèmes complexes à l’organisation. L’émergence de l’ordre à partir du chaos (lire le livre de James Gleick – Chaos – making a new science) sert de point de départ à une réflexion sur l’organisation émergente. On trouve ensuite plusieurs exemples d’analyse systémique (graphes de causalités) appliquées, dans la tradition de Senge ou de Sterman. Le chapitre se conclut par une présentation systémique de la dialectique Marxiste très pertinente.

L’idée la plus originale du livre porte sur le management de l’émergence. Je vous livre cette très belle citation (p. 257) : « The art of managing and changing « context » : A second extremely important implication of chaos-complexity perspective rests in the idea that the fundamental role of managers is to shape and create “contexts” in which self-organization can occur”. Malheureusement ce point est peu développé, au delà de sa difficulté intrinsèque. Considérer le changement – en particulier le changement culturel – comme un processus émergent semble logique et pertinent, mais la métaphore des attracteurs étranges que Gareth Morgan utilise apporte en fait peu de valeur pratique. On se retrouve tout de suite à essayer de décrire le changement comme un réseau de causalité et à chercher les cycles et les délais, dans la grande (et bonne) tradition de Sterman & Senge.

Le titre de ce billet est intrigant – peut-on effectivement manager l’émergence ? Je ne suis pas encore très satisfait de ma réponse, mais je vous livre néanmoins quelques réflexions sur ce sujet :

  • L’approche systémique nous apprend à raisonner en termes d’interaction avec l’environnement. C’est précisément le point que souligne Gareth Morgan en introduisant les graphes de causalités. Comprendre les facteurs bloquants et les facteurs favorables de l’environnement est essentiel. Cela s’applique parfaitement au développement d’écosystème logiciels (on peut de la sorte expliquer les succès – par exemples les applications sur l’iPhone – et les échecs – Symbian). L’analyse des délais dans les boucles d’interaction est également cruciale pour comprendre et « piloter » une transformation (C’est un des points clés de la systémique, merveilleusement illustré dans « The Fifth Discipline » ou dans « Business Dynamics »).
  • Comme le remarque Gareth Morgan, la non-linéarité des systèmes complexes signifie que des petites causes peuvent avoir de grands effets. L’application de l’analyse systémique cherche les « petits cercles vertueux » que l’on peut « exciter » avec une sollicitation modérée en entrée. C’’est de cette façon que j’ai réussi à introduire des transformations profondes dans des grandes organisations avec des petits efforts ciblés de formation (mais ceci est une autre histoire –cf. mon prochain livre J).
  • Comme le dit Kevin Kelly, les systèmes émergents sont « cultivés » et non pas conçus. Leur comportement (intelligent et adaptatif) émerge d’un processus de développement qui relève du jardinage (un thème récurrent de ce blog), pas de la conception. Pour s’assurer que les propriétés attendues traversent la « barrière de l’émergence », on peut d’appuyer sur la téléonomie, et plus précisément sur la réification des finalités. C’est une méthode qui a fait ses preuves dans la conception de grands systèmes, en télécommunication ou en informatique (cf. le thème de l’autonomic computing). Dans ce cas d’application, on utilise une représentation « déclarative et distribuée » des «policies » qui caractérisent le comportement général, de telle sorte qu’elles soient présentes dans l’ensemble du système (ce qui est proche de l’approche holographique).
  • Un des outils clés de l’émergence dans le domaine du management de l’entreprise est le réseau social (ce n’est pas par hasard si j’en parle aussi souvent J). Le réseau social est le « Petri dish » du changement dans l’entreprise. Manager le changement par l’émergence passe par la compréhension des réseaux qui portent les messages (on retrouve par exemple l’idée du « marketing viral », mais c’est beaucoup plus riche). En travaillant la structure des réseaux et les type de flux qu’ils portent, on peut modifier et accélérer les conditions d’émergence du changement. C’est bien sûr une des ambitions de l’entreprise 2.0, et une des idées clés du dit prochain livre.
  • Et, pour terminer, une remarque faussement anecdotique : l’étude des systèmes complexes apprend l’humilité. Il faut relire « Out of control » pour découvrir toutes les erreurs que nous faisons sans cesse lorsque nous essayons de « réparer » les écosystèmes. C’est également vrai en matière de conduite du changement. Manager l’émergence consiste à vouloir prédire la météo à trois mois … une gageure. Comme le dit Gareth Morgan , « it is important to note that the manager acting on the insights of chaos and complexity theory cannot be in control of the change ».

J’ai également lu cet été « The Effective Organization » de Dennis Tafoya, dont le sous-titre particulièrement alléchant (pour moi J) est : « Practical Application of Complexity Theory and Organizational Design to Maximize Performance in the Face of Emerging Events ». Tout y est ! Tous les mots clés de ce blog, toutes les « hot ideas » de l’application des systèmes complexes au management de l’entreprise. Le premier chapitre (« complexity theory as a tool to aid understanding of organizational performance management in effective organization ») qui pose le problème est une remarquable synthèse … mais ensuite le livre est vide. Passé la très grande déception, je me suis rendu compte que c’est effectivement l’état courant de la réflexion sur les liens entre management et système complexes : le diagnostic est fait, les liens sont établis (par Gareth Morgan ou par Dominique Génelot), mais les conséquences sont difficiles à établir.

Le livre de Dominique Génelot, « Manager dans la complexité » (déjà mentionné précédemment) reste une très bonne référence, beaucoup plus riche et applicable que le livre de Tafoya (dont le principal mérite est une excellente bibliographie à jour). Les différents livres qui traitent de self-organization, liés à l’Entreprise 2.0, font également partie de la bibliographie utile sur le sujet. Mais le sujet de ce que la systémique (étude des systèmes complexes) peut apporter au domaine de la conduite du changement reste ouvert. Dans le livre que j’ai rédigé cet été, je parle d’ « ingénierie de l’émergence » … mais je n’ai pas beaucoup de matière à proposer !

samedi, septembre 11, 2010

Récréation quantique

Je suis resté plutôt silencieux car je profite de l'été pour lire, relire, réfléchir et digérer. Il est temps de remettre de l'ordre dans toutes les idées exprimées ici depuis quatre ans, et ce travail d'approfondissement porte des fruits intéressants. Je vous en dirai plus dans quelques mois…

En attendant, je souhaite partager quelques pépites de ce travail. J'ai lu quelques classiques, tels que « The Goal » de E. Goldratt (que j'aurai du lire plus tôt !), et j'ai approfondi ma bibliographie sur le lean. En particulier, j'ai rencontré Michael Ballé (cf. post précédent), ce qui m'a conduit à découvrir :

  • The Lean Edge, un « blog » vraiment génial, une discussion entre tous les meilleurs spécialistes de la planète sur le sujet. Dans une dérive très socratique, plus je découvre, plus je considère que je suis vraiment incompétent sur ce sujet … mais je me soigne J
  • « The Lean Manager »,  un livre roman dans la veine de « The Goal », le meilleur livre que j'ai lu sur le sujet en compagnie du « Toyota Way » de J. Liker. A lire absolument, c'est un pur bonheur (lorsqu'on connait un peu le sujet).

En passant, je vous signale la sortie de « Gmail beta avec priorité » (si cela vous avait échappé). C'est l'application directe des principes évoqués dans mon post sur le « lean email » (entre autres billets). Je suis doublement ravi : en tant qu'utilisateur et en tant que bloggeur ! Je ne comprends pas pourquoi Microsoft ne me fournit pas la même chose sous Outlook, le succès du « mail » sous Facebook est suffisamment frappant depuis plusieurs années ….

J'en arrive à mon sujet du jour, quelque peu facétieux. Un des points clé lorsqu'on étudie l'efficacité d'un canal de communication est de comprendre non pas le temps de transfert d'information, mais le temps du processus complet (transfert + réception). La performance du transfert est liée au débit et à la latence, mais la performance de la communication (processus complet) est liée à la « Bandwidth » (BW), c'est-à-dire la capacité du canal de supporter les « allers-retours » nécessaire à la compréhension et l'appropriation, qu'ils soient explicites (questions/réponse) ou implicites (posture corporelle, intonation, etc.). Si l'on défini la bandwith comme une « fréquence de synchronisation », le temps du processus est proportionnel à l'inverse de cette fréquence.

La question que je me posais précédemment est la suivante : comment ce temps varie en fonction de la quantité d'information et de la précision souhaitée ? On peut considérer qu'il est proportionnel à la quantité d'information (une hypothèse que j'utilise depuis 4 ans ici), mais quelle est l'influence de la précision ?. Si nous étions en théorie classique de l'information, avec des pertes aléatoires de contenu, nous aurions une loi exponentielle en fonction du temps (ce qu'on obtient avec un protocole émission / receception – retour / comparaison – renvoi de ce qui n'est pas passé). Mais c'est plus compliqué dans la « vraie vie », car ce qui n'est pas compris la première fois résiste souvent et nécessite plus de temps qu'une simple « ré-émission ». A défaut de connaitre la loi, je me suis mis à spéculer sur ce qu'on obtiendrait en admettant que l'erreur décroit simplement de façon inversement proportionnelle au temps. Autrement dit, le temps de communication minimal devient proportionnel à Q / (BW * dQ) ou Q est la quantité d'information, BW la « bandwith » propre au canal, et dQ la précision souhaitée dans la communication.

Pour comprendre ce que dQ signifie, il faut s'imaginer deux interlocuteurs E et R, chacun avec leur propre « modèle mental ». Au départ, sur un sujet donné, les deux modèles sont différents. L'acte de communication cherche à faire émerger dans le modèle de R une copie d'un fragment du modèle de E (de taille Q). A la fin de l'acte de communication, il existe bien un fragment Q' dans la « tête de R », avec quelques différences, parce que la culture, les opinions, les connaissances de R sont différentes de celle de E. dQ est une estimation de cette différence.

Si l'on veut faire référence à la latence du canal, on peut considérer que si la communication commence au temps 0, l'information Q atteint E au temps L (latence), puis qu'elle est « transférée » au temps T (L + durée qui est fonction de Q et du débit). Ce temps T est d'ailleurs celui que j'utilise dans mon modèle SIFOA, puisque je modélise la bandwidth avec des allers-retours. La communication atteint le niveau de précision dQ plus tard, après différents échanges, à un temps T + dT. Si on prend le cas d'un email, T est le temps pour ouvrir l'email (le temps de latence du canal email), alors que dT représente les allers-retours nécessaires pour que le contenu de l'email soit devenu « clair » pour le destinataire (en fonction de la « précision » dQ souhaitée).

La loi précédente peut s'écrire autrement : lorsqu'on transmet une information, on ne peut pas à fois réduire l'imprécision et la rapidité de compréhension. C'est l'équivalent de l'inégalité d'Heisenberg  (dx * dv >= h/2) :


dQ * dT >= Q/BW

L'analogie fonctionne bien : la position est l'équivalent de la précision dQ, et la vitesse est l'équivalent du temps de validation dT. Cette inégalité nous dit qu'on ne peut pas à la fois maitriser le temps et la précision lorsque l'on véhicule des informations dans un acte de communication.

Bon, à quoi tout cela sert-il ? à affirmer qu'on ne peut pas propager un message dans une organisation de façon rapide, sauf s'il est court. Un corolaire intéressant, analogue à la notion de mouvement Brownien, affirme que le besoin de précision augment de façon exponentielle en fonction du diamètre organisationnel. C'est assez intuitif, plus les chaines de propagations sont longues, plus les effets de déformation (les dQ) vont d'amplifier. Si le message doit aller loin, il faut partir avec un dQ petit !

  • On retrouve donc une des lois fondamentale de la conduite du changement : construire un message clair et synthétique (concis).
  • Et que fait-on si le message est forcément long (exemple : les principes du lean) ? on prend son temps, et on répète, on répète, on répète (cela s'appelle la pédagogie).

samedi, juillet 17, 2010

Une journée à l’USI 2010

J'ai passé une journée à l'USI 2010 (Université du Système d'information) organisé par Octo (et différents sponsors). L'an dernier, j'avais posté mon compte-rendu sur mon autre blog, mais cette année je trouve que les sujets que je vais traiter, et en particulier les keynotes, sont d'une portée très générale et relèvent encore plus de ce blog.

Comme d'habitude ce compte-rendu n'a pas vocation à être exhaustif, mais plutôt de souligner les points qui sont connexes avec les sujets que je traite dans ce blog. Ce qui est remarquable avec l'USI, c'est que vous trouverez bientôt l'intégralité de ces interventions en vidéos sur le site USI. Je ne vais parler que ce de que j'ai entendu, mais je viens d'écouter la géniale conférence de Martin Fowler et Neal Ford, et elle est à la fois passionnante pour les informaticiens et très judicieuse pour comprendre le lean ou l'approche chinoise de la stratégie (sans parler des remarques sur la communication qui font un vibrant écho à ce qui est développé dans ce blog).

  • Chris Anderson (éditeur de Wired, connu pour « The long trail ») a parlé de son nouveau livre « Free : the future of a radical price ». Le point de départ de son raisonnement est que la puissance de calcul, le stockage ou la bande passante sont devenus « too cheap to meter », créant une économie de l'abondance. Une partie de ce raisonnement se trouvait dans « The long trail », rendue possible par la baisse spectaculaire du coût de stockage. J'ai particulièrement apprécié l'idée selon laquelle l'abondance modifie les processus et pousse à essayer d'abord et corriger ensuite … sous forme d'amélioration continue (« Test & Invest » puis « kaizen »).
  • Olivier Hascoat a fait un exposé sur l'innovation dans les services … et les causes des nombreux échecs que l'on peut constater ces dix dernières années. Son idée première est qu'il s'agit avant tout d'une question d'exécution. Son exposé était très convaincant, avec des propos qui ne sont pas sans rappeler des grands auteurs américains tels quel Larry Bossidy ou « From Good to Great » dont j'ai parlé la dernière fois. J'ai apprécié l'insight selon lequel le sujet n'est pas de « lancer un service », mais de « faire vivre un service » (cf. le point précédent).
  • J'en arrive maintenant à la keynote d'Yves Morieux, « Let IT be », qui a été un grand moment de plaisir intellectuel. Je ne vais pas rendre justice à la qualité de l'orateur en résumant quelques idées, mais c'est bien le principe de ce billet. Le thème principal était la question « quelle organisation d'entreprise est la mieux adaptée pour gérer la complexité qui nous afflige et qui est, entre autres choses, une conséquence de la mondialisation ? ». La première partie nous a présentés trois symptômes : (1) l'excellence de l'exécution –cf. le talk précédent – devient une des préoccupations essentielles des CEO dans une enquête du Boston Consulting Group (2) la productivité est en crise, l'amélioration régulière annuelle baisse régulièrement depuis 30 ans – cf. le paradoxe de Sollow (3) on assiste à un déclin régulier et inquiétant de la satisfaction au travail. Ce dernier symptôme est spectaculaire : en 1985, 70% des américains étaient satisfaits de leur travail, ils n'étaient plus que 45% en 2007. Le premier point est également très net parce que le BCG effectue ces enquêtes auprès des CEO depuis de nombreuses années, ce qui permet d'analyser les changements. La thèse d'Yves Morieux est que ces trois « tendances énigmatiques » sont liées à la complexité croissante des organisations. Il cite des chiffres qui ne nous surprennent plus : 40% du temps des managers est passé à produire du reporting, 30% en réunion et seulement 30% à produire de la valeur ajoutée. Pour contrer cette tendance, il a ensuite développé les « valeurs anti-complexité » : leadership / engagement / coopération. Son développement sur la coopération était particulièrement brillant (dans une progression coordination - collaboration - coopération). La coopération est ce qui permet d'être efficace à plusieurs pour précisément résoudre des problèmes complexes. Mais il se trouve que coopérer n'est pas évidente ni intuitive. Pour commencer, la coopération « fait mal » car elle suppose un « coût d'ajustement ». Précisément, coopérer c'est utiliser ses marges de manœuvre au service des autres. La coopération ne se mesure pas (même si son effet est, lui,mesurable), et elle se fait même le plus souvent au détriment de ce qui est mesurable. Elle ne s'obtient pas simplement par « bonne entente », au contraire, si les participants ont une trop forte connivence, il se produit un évitement contraire à l'efficacité. La dernière partie de l'exposé a proposé quelques « smart rules » pour promouvoir la coopération, très intéressantes par leur connotation systémique. Quelques exemples :
  1. Reinforce integrators – l'intégrateur est le promoteur/catalyseur de la coopération … en particulier le manager !
  2. Expand shadow of future – faire vivre aux acteurs les conséquences de leurs décisions dans des situations complexes
  3. Enlarge domain of reciprocity – les objectifs de chacun incluent ce qui augmente la performance des autres
  4. Modify payoff matrices – une application de la théorie des jeux pour résoudre le dilemme de la « tragédie des communs » dont j'ai souvent parlé.


 

  • Le keynote suivant de Michael Ballé n'était pas moins passionnant. Michael Ballé est un des grands experts français du lean, l'auteur de nombreux livres primés dont le dernier, « The Lean Manager », que je résumerai bientôt. Le titre, et l'idée principale est que le lean est une « école de management par la résolution de problèmes ». Le lean dont il s'agit est bien celui de Toyota, et j'ai particulièrement apprécié l'ensemble de cet exposé. Michael Ballé a rappelé que l'idée forte de Toyota est de vouloir utiliser le « cerveau de tous ses employés ». Il s'agit donc de prendre le slogan « nos collaborateurs sont notre plus précieux capital » au sérieux et d'en conclure que l'apprentissage permanent est la meilleure façon de créer du « capital immatériel » (« le lean, c'est la montée en compétence de tous »). La résolution de problèmes concrets, en suivant la démarche et les méthodes du lean, est une école pratique pour développer ce potentiel. Les meilleurs processus viennent des savoirs-faire et des connaissances individuelles des « acteurs du terrain » (gemba). C'est un apprentissage systémique qui apprend à raisonner sur les causes profondes (ce que fait un expert) plutôt que de raisonner sur les causes superficielles (les symptômes – ce que fait un novice). Une autre idée profonde du lean est qu'il est encore plus important de « faire les bonnes choses » que de « faire les choses bien ». Michael Ballé remarque que le lean enseigne de standardiser, puis d'améliorer en continu (kaizen), avant de tirer les conclusions et de faire des changements profonds et radicaux (kaikaku), alors que notre approche occidentale du « process re-engineering » est souvent de faire l'inverse. Je reviendrai sur ce sujet – qu'est-ce que le lean ? - dans un billet séparé, pour faire écho au post de 2007. J'ai néanmoins beaucoup aimé ce résumé de ce qu'est la pratique du lean : (1) aller voir (2) visualiser les problèmes (3) révéler les problèmes et réagir (4) résoudre  un par un (5) améliorer les pratiques.
  • Dans un genre très différent, le philosophe Bernard Stiegler nous a parlé de sa vision de la « crise planétaire », un « chant du cygne » qui annonce l'arrivée nécessaire d'un « nouveau modèle ». Le discours général n'est pas forcément original en ce moment, mais j'ai apprécié les commentaires sur la perte d'attention, le fait que les étudiants aujourd'hui ont plus de difficultés que leurs anciens à se concentrer sur un seul sujet pendant plusieurs heures, parce que Bernard Stiegler nous a fourni de nombreuses références, telles que Katherine Hayles, qui vont me permettre de creuser ce sujet plus sérieusement.
  • Un exposé très distrayant de Ludovic Cinquin, « Trop humains pour réussir », sur les biais cognitifs (un sujet passionnant, traité par de nombreux auteurs dont je parle dans ce blog, depuis Malcom Gladwell ou Nassim Taleb jusqu'à Daniel Pink). Je vous recommande de voir la vidéo. Une idée clé, selon moi, est qu'il faut pratiquer des boucles de feedback courtes, et affronter la réalité fréquemment, car c'est le meilleur remède contre ces nombreux biais (qui nous affligent tous).
  • La journée s'est terminée par un keynote de Leo Apotheker, qui m'a bien plu lorsqu'il a attaqué le ratio IT/CA comme élément de benchmarking (c'est un des sujets du 3e chapitre de mon dernier livre, et le sujet de nombreux débats lorsque j'étais DSI). J'ai également apprécié l'insistance sur l'importance du datamining en temps réel et la prochaine fusion du transactionnel et de l'analytique (sans base de données relationnelle, en mémoire vive sur des architectures massivement parallèles).

Cette liste est très hétérogène, mais elle peut néanmoins vous donner envie d'aller voir les exposés, puis de vous inscrire pour la prochaine édition ! Modelée selon TED, cette conférence est une formidable opportunité d'aller écouter des exposés et des orateurs passionnants.

mardi, juillet 06, 2010

Organisation et Management

Je poursuis ma série de revues d'ouvrages généraux portants sur le management et l'organisation. Le premier livre est « Good to Great », de Jim Collins, un livre que j'ai déjà évoqué. Ce livre est clairement dans le thème de ce blog puisque pour reprendre ses propres termes, il s'agit d'un « search for timeless principles – the enduring physics of great organizations – that will remain true and relevant no matter how the world changes around us ». « Good to great » ne propose qu'une dizaine de ces principes, mais ils sont remarquablement expliqués et surtout illustrés sur des cas concrets. L'approche est similaire à celle de Peters & Warterman - partir d'une liste d'entreprises excellentes et chercher des points communs -, mais le résultat est plus analytique (sélection drastique), plus ciblé (moins d'idées) et plus pédagogique (chaque idées est mieux expliquée). La sélection est drastique car le concept de « great » est exigeant, se définissant par un « cumulative stock market return » nettement supérieur sur le long terme à celui de son industrie d'origine. Le résumé partiel que je vais faire ne rend donc pas justice à cet excellent livre que je vous recommande. Voici néanmoins la liste des idées qui m'ont le plus intéressé :

  • Jim Collins établit une corrélation marquée entre le succès des entreprises et le type de managers (DG/CEO). Il introduit le concept de « Level 5 manager » qui combine l'humilité et la volonté (will, resove). Cette instance sur l'humilité est frappante et n'est pas sans rappeler « The Toyota Way ». Elle contraste avec la volonté et la résolution, qui se manifeste par une grande exigence, des « high standards » pour son entreprise et pour soi-même.
  • Les « great companies » choisissent les hommes avant de choisir les organisations. Ce focus sur le « qui » est un gage d'agilité, de capacité à saisir les opportunités. Plutôt que de commencer par des descriptions de postes, c'est le choix des femmes et des hommes qui permet d'écrire, ensuite, la bonne histoire en fonction des circonstances « du voyage ». « Pick the passengers first and they will drive the bus to the right place ». L'analogie avec la vision chinoise du potentiel de situation par opposition à la déclinaison top-down (grecque, dirait François Jullien) est frappante.
  • Le voyage dans un "lean qui ne dit pas son nom" se poursuit devant l'attention fondamentale qui est donnée à la "confrontation brutale et régulière avec les faits". Jim Collins n'est pas naïf et il comprend la difficulté de créer un "climat dans lequel la vérité peut être entendue ». C'est, selon lui, un des traits caractéristiques des « great companies »: « Unlike (most) companies, the great companies continually refined the path to greatness with the brutal facts of reality". En effet, il insiste : « Ignoring reality is the best way to demotivate people". De plus, il convient de le souligner même si c'est évident, c'est le fondement de l'amélioration continue (cf. TPS).
  • L'arme des « great companies » face à la complexité - qui est clairement le challenge du 21e siècle – est le concept du « hérisson », une métaphore qui représente le fait de choisir sa « core compétence » et de la développer avec passion, en renonçant à toute forme de dispersion. « Do one thing, but do it with excellence and imagination". Le choix du coeur est fondamental, c'est ce qui définit la « great companies » et Jim Collins propose de le trouver à l'intersection de trois cercles : ce qui nous passionne, ce pour quoi nous avons les moyens d'être le meilleur au monde et ce qui assure une rentabilité à l'entreprise. Si le choix du cœur est difficile et demande une analyse poussée pour comprendre en profondeur ses propres forces, la pratique des renoncements l'est encore plus et c'est une caractéristique des « great companies ». Jim Collins propose de créer des « stop doing list » à coté de nos classiques « to do lists ».
  • Ce concept de rentabilité durable est explicité au moyen de KPIs. Les quelques pages autour de la page 104 sont brillantes et permettent d'apprécier la puissance des KPIs lorsqu'ils sont pratiqués avec sens et rigueur. « Each good-to-great company attained a deep understanding of the key drivers in its economic engine and built its sstem in accordance with this understanding ».
  • Le chapitre 6 est consacré à la "discipline", au sens Toyota du terme, c'est-à-dire la substitution des règles de la bureaucratie et du contrôle hiérarchique par une auto-exigence qui devient un mode de vie. Bien entendu, « Everyone would like to be the best, but most organizations lack the discipline …". C'est une question de tenacité, d'engagement (commitment), pas de talent ou de brillance. On retrouve de facto l'importance du "Level 5 leader", qui doit forcément être exemplaire. La liste des qualificatifs retrouvé de façon constante dans les « great companies » est illustrative : « disciplined, rigourous, dogged, determined, dilligent, precise, fastidious, systematic, methodical, demanding, consistent, focused, accountable and responsible ».
  • Le chapitre 7 porte sur les technologies, et comment les "great companies" se différencient dans leur adoption. La question est d'ailleurs « How do the great organizations think differently about technology ? » . Il ne s'agit donc pas d'early adopters, mais de unique adopters. « Every good-to-great company became a pioneer in the application of technology, but the technologies themselves varied greatly ».
  • Pour finir, Jim Collins utilise la métaphore de la "flywheel" (une énorme roue tournant à l'horizontale avec une inertie phénoménale): cette roue n'avance pas grâce à une poussée décisive mais bien grâce à un effort soutenu et constant (une somme de micro-poussées). De même, il n'y pas de « defining moments », d'actions d'éclats, d'initiatives géniales pour les « great companies », mais une somme incalculables d'efforts alignés vers le même but (c'est le principe du «hérisson »). Cette roue qui tourne fournit à ceux qui poussent un feedback constant du progrès parcouru (la vitesse atteinte). Les participants «feel the energy » … « they want to participate to a winning adventure ». Ils apprennent en "faisant". Une fois encore, la proximité avec le Toyota Production System est évidente.

Le second livre est "Managing" de Henry Mintzberg, un des gourous du management dont j'ai déjà parlé dans ce blog. J'apprécie particulièrement Mintzberg car c'est à la fois un théoricien (ses premiers modèles m'ont directement inspirés pour SIFOA), un pragmatique (on va le voir tout de suite) et un homme de terrain et d'observation. Son livre est une version enrichie et approfondie d'une étude de sociologie des managers, qui s'appuie sur vingt-neuf journées passées avec vingt-neuf managers différents. Selon mon habitude, voici quelques idées notées dans la marge pendant ma lecture :

  • Un des points clés du livre, comme les livres de March est Simon, est le rôle que le management joue en termes de flux d'information.« Watch any manager and one thing readily becomes apparent: the amount of time that is spent communicating – namely, collecting and disseminating information for its own sake, without necessarily processing it". Un peu plus loin, on trouve: « Managers are gatekeepers and buffers in the flow of influence ». Ce rôle clé se traduit par une véritable "addiction" à l'information que l'on peut constater chez les managers (très facilement, pas besoin d'être Henry Mintzberg). Cette addiction pousse les managers à tolérer un flux constant d'interruption et à travailler de façon quasi-exclusivement réactive. « To some extent, managers tolerate interruptions because they do not wish to discourage the flow of current information".
  • Mintzberg en déduit un corollaire très intéressant sur la délégation et ses limites. Le manager qui délègue faute de temps doit pouvoir déléguer l'information dont il dispose en fonction de sa place dans le réseau (social et de pouvoir). Au mieux, cela prend du temps (faute de quoi le délégué ne peut pas accomplir la tâche), mais, au pire, c'est tout bonnement impossible. « It is too common to witness people being blamed for failures that can be traced to their inadequate access to the information necessary to perform their delegated task ».
  • Une des signatures de Mintzberg est la conviction que le management n'est pas une science mais une pratique. « It is time to recognize that managing is neither a science nor a profession; it is a practice, learned primarily through experience, and rooted in context. » Il insiste à de nombreuses reprises sur l'apprentissage par l'expérience. Dans la tradition de Bolman et Deal, Il donne au manager un rôle très large : le chapitre 4 est consacré à « the untold varieties of management ». Il y propose (p. 127 & 148) un triangle fort intéressant qui place le management à l'intersection de l'art (pour développer une vision), de la science (dans l'analyse) et de l'artisanat (au sens noble du terme – craft- pour ce qui concerne l'expérience).
  • En conséquence, il propose un « modèle de management » multi-dimensionnel, très riche. Après avoir resitué différents courants de l'histoire du management, il conclut : « Managing is not one of these things but all of them : it is controlling and doing and dealing and thinking and leading and deciding and more, not added up but blended together ».
  • Le chapitre 5, intitulé « The conendrum of management », contient de nombreuses perles. En particulier, Mintzberg développe la différence entre évaluation et mesure. « Sure, measure when you can, but then be sure to judge the rest : don't be mesmerized by measurement. Unfortunately, we so often are, causing us to drive out judgement." Cette différence peut être facilement occultée par les zélotes de la qualité totale, obsédés par l'idée « pas de progrès sans mesure » qui peut devenir contre-productive lorsqu'elle est élevée au rang de dogme (j'y reviendrai, il faut savoir faire la différence entre l'évaluation de la cause et la mesure de la conséquence lorsque la première est intangible et la seconde concrète). Mintzberg de plait à une critique – facile mais juste – des « hard data ». Il dénonce les agrégations trompeuses (amalgames) et réductrices au profit des « signaux faibles » et des « détails concrets ». Ce souci des détails concrets conduit naturellement au « management qui va voir sur place », le « genchi genbutsu » du lean.
  • On trouve, dans les pages 216 à 218, une analyse remarquable due à Mary Park Follett en 1920 ( !) sur la combinaison des phases d'induction et de déduction dans le travail du manager. « Managing is a tapestry woven of the threads of reflection, analysis, worldliness, collaboration, and proactiveness ». Le manager collecte des informations pratiques, qu'il synthétise par induction, produisant ainsi une connaissance proper à un niveau abstrait. Cette connaissance lui permet de prendre, par déduction, des décisions (en repassant de l'abstrait au concret). Mintzberg remarque que « harnessing the collective mind is one of the great challenges facing contemporary organizations", autrement dit cette phase de collecte/induction est un effort collectif, ce qui est précisément un enjeu de l'entreprise 2.0 (cf. le chapitre 6 de mon livre).
  • Pour finir, j'ai relevé cette très jolie citation, totalement dans la philosophie des etudes CMC que j'ai citées précédemment : "The danger of email is that it may give a manager the impression of being in touch while the only thing actually being touched is the keyboard". Je l'ai déjà dit, l'email est un canal à faible "bandwidth", donc à faible capacité de feedback et appropriation, qui ne permet donc pas de se "connecter". Il existe des outils 2.0 qui sont mieux adaptés , lorsque le contact physique n'est pas une option.

Un des aspects les plus frappant de ces livres, qui font le bilan des bonnes pratiques qui peuvent être identifiées chez les entreprises qui réussissent le mieux, est qu'on y retrouve une part important du « Toyota way », autrement dit une validation expérimentale (une de plus) des principes du lean.

samedi, mai 15, 2010

In Search of Excellence

Le sujet du jour est un livre assez ancien, mais qui est un best-seller absolu : « In search of Excellence » de Thomas J. Peters et Robert H. Waterman. J'ai lu l'édition de 2003, mais la publication remonte à 1982. Ce livre, qui a été qualifié de « Greatest Business Book of All Time », a été vendu à plus de 3 millions d'exemplaires. Le sous-titre « lessons from America's best-run companies » indique ce qui donne un intérêt particulier à ce qui va suivre : le livre fourmille d'exemples concrets et les principes sont tirés de l'expérience. Même s'il y a eu quelques controverses sur la méthode de sélection des « best-run companies » et si la suite de l'histoire a pu réserver des surprises pour certaines d'entre elles, le talent des auteurs pour démonter les rouages de la performance et de l'excellence demeure intact.

J'ai pris une quantité impressionnantes de notes dans la marge, le double d'un livre habituel et je vous le recommande chaleureusement, dans la même pile que « From Good to Great » de Jim Collins (que j'aborderai un autre jour). Comme d'habitude, mon résumé thématique est incomplet puisqu'il se concentre sur les thèmes de ce blog.

  • Le livre commence avec les 8 traits communs des « excellent companies ». Ce qui m'a le plus fasciné est le lien avec les principes du TPS (Toyota Production System) et plus généralement du Lean Management, alors que le livre a été écrit bien avant ceux de Liker, Jones ou Womack. Ces 8 traits forment le plan du livre, et le parallèle avec « The Toyota Way » est frappant.
  1. La passion de l'action – les mots clés étant : prise de risque, essai, pilote, engagement.
  2. L'orientation vers le client – il faut lire le chapitre car seules les anecdotes permettent de comprendre ce que ce slogan « passe-partout » signifie lorsqu'il est vécu de l'intérieur.
  3. L'autonomie (la décentralisation) et la culture d'entrepreneur.
  4. La recherche de la performance par les individus et le respect de la personne.
  5. Une approche pragmatique et concrète, mais orientée par des valeurs d'entreprise
  6. Se concentrer sur son métier, ne faire que ce qu'on maîtrise parfaitement
  7. Combiner l'autonomie et la liberté (le coté « loose ») avec maîtrise, rigueur et valeurs (le coté « tight »). Un vibrant plaidoyer pour le MBWA (Management by Wandering Around) rappelle étrangement le genchi genbutsu.
  • Un des thèmes clés du livre est le lien entre l'innovation et la communication dans l'entreprise. « People simply talk to each other » semble être une vertu cardinale. Pour reprendre une citation d'un dirigeant de HP « We're not sure exactly how the innovative process works. But there is one thing we do know: the easy communications, the absence of barriers to talking to one another are essential." Les auteurs poursuivent: nous le voyons sans cesse dans les entreprises excellentes, elles sont obsédées par un partage large des informations et l'abolition des secrets internes. « The nature and uses of communication in the excellent companies are remarkably different from those of their non-excellent peers … [they] are a vast network of informal, open communications. The patterns and intensity cultivate the right people's getting into contact with each other, regularly, and the chaotic/anarchic properties of the system are kept well under control simply because of the regularity of contact and its nature". Un très beau plaidoyer pour l'entreprise 2.0 vingt ans avant l'apparition des outils 2.0 J

  • L'innovation est clairement définie comme une réaction à l'environnement. « Innovative companies are especially adroit at continually responding to changes of any sort in their environment". Le rôle de la communication et des canaux est fondamental pour capter ces changements et propager les adaptations nécessaires. « The excellent company solution is that is occurs via a remarkably rich set of interactions with the environment – namely, customers ».

  • D'un point de vue systémique, une des contributions les plus intéressantes est celles des « loosely coupled systems ». Pour innover, il faut conserver des « degrés de libertés », un peu de « marge de manœuvre ». Cela peut se traduire par un peu de redondance, ou un recouvrement dans les organisations, voir une approche parallèle. Ce point nuancé à la fin du livre par la tension duale « tight-loose » (point 7 précédemment évoqué).

  • Les années 80 sont l'époque du « small is beautiful ». Le livre insiste sur les « diseconomies of scale », avec une analyse fort intéressante – qui montre comment les gains d'échelle qui progresse faiblement une fois une taille critique atteinte sont rapidement dépassé par les inconvénients en terme de flexibilité et d'adaptabilité. On retrouve l'intuition fondamentale de Taiichi Ohno, le père du lean management. Les auteurs illustrent ce concept sur plusieurs entreprises, dont HP, qui préfèrent des petites unités de production non-optimales (d'un point de vue statique) pour conserver une meilleure agilité dynamique (et de nombreux autres avantages liés aux structures « à taille humaine »). « We find that the lion's share of the top performers keep their division size between $50 and $100 millions, with a maximum of 1000 or so employees. Moreover, they grant their divisions extraordinary independence".

  • Cette réflexion sur la taille s'applique également au travail en équipe. Les auteurs donne leur faveur à un « essaim de petites équipes avec des horizons de temps cours » plutôt que des « taskforces transverses » trop longues et trop peuplées. «Research effectiveness is inversely related to group size: assemble more than seven people and research effectiveness goes down ». On retrouve le même chiffre un peu plus loin: "The academic evidence is clear on this: optimal group size, in most studies, is about seven".

  • Plus généralement, on trouve une réflexion sur la complexité qui est très moderne, capture une bonne part de l'intuition du «lean » et reste donc pertinente aujourd'hui. Les compagnies excellentes maîtrisent leur complexité interne : « La complexité cause la léthargie et l'inertie qui empêchent beaucoup d'entreprises d'être réactive ». « Along with bigness comes complexity … and most companies respond to complexity in kind, by designing complex systems and structures ».

  • L'importance de l'apprentissage organisationnel est soulignée de nombreuses fois. « The excellent companies are learning organizations ». Elles investissent et font preuve de créativité pour acquérir avant le marché les compétences nécessaires pour rester en avance. Le « biais pour l'action » (point 1) traduit cet apprentissage dans les actes : on apprend en faisant dans les excellentes compagnies, pas en lisant des slides ou en écoutant des experts : « Doing things leads to rapid and effective learning, adaptation, diffusion and commitment ». Néanmoins, l'apprentissage n'est pas un « silver bullet » puisque, comme le remarque Karl Weick « organization learns and adapt v-e-r-y slowly ». Ce qui rend l'enjeu de l'apprentissage organisationnel encore plus fondamental dans un monde qui bouge constamment.

  • On trouve également les prémices d'une réflexion sur l'aplatissement des hiérarchies, un sujet cher à ce blog. Une vision un peu caricaturale du mid-management « The moment that staff, in any number, leaps into action, it starts generating information requests, instructions, regulation, policies, reports …" conduit à préférer des organizations plates: "excellent companies seem to have found ways of coping with this problem … there aren't enough corporate staff around to generate much confusion down the line". Il y a également plusieurs références fort intéressantes à Mintzberg sur la façon dont les managers passent leur temps. Cela m'a conduit à lire « Managing » que je n'ai pas encore terminé. L'idée principale est que les managers réagissent et ne planifient pas leur temps. J'y reviendrai dans un prochain billet.

Le prochain livre que j'aborderai sera « Images of Organization » de Gareth Morgan.

jeudi, mai 13, 2010

GTES : exposé introductif

Ce blog est resté silencieux depuis quelques mois car j'étais occupé à préparer un exposé à l'INRIA sur GTES et son application à la simulation de situations complexes en entreprise. Vous pouvez télécharger le talk à gauche (le powerpoint est disponible sur box.net), ou regarder la vidéo sur le site.

La préparation de cet exposé m'a pris beaucoup de temps, en particulier du temps de calcul, parce que j'en ai profité pour remettre à jour certains algorithmes et creuser des pistes que j'avais identifiées dans mon article RAIRO. Le résultat de ce travail est un nouvel article en préparation, donc la contribution originale sera les « forward looking Nash equilibriums » - j'y reviendrai dans ce blog lorsque l'article sera écrit (vous pouvez regarder les slides si vous êtes curieux).

Par ailleurs je prépare un exposé sur « les réseaux sociaux et l'entreprise 2.0 » pour la journée organisée par l'ANVIE le 8 Juin.

Je prépare également un second exposé sur l'innovation (« jardinage et innovation : comment cultiver son potentiel ») pour l'université du SI organisée par Octo les 2-3 Juillet.

lundi, avril 05, 2010

Les "Case Studies" de "Performance du SI"

Les petites fictions qui illustrent les neuf chapitres de mon livre "Performance du SI - Analyse de la valeur, organisation et management" sont maintenant en ligne ici.

dimanche, février 07, 2010

Connected, Here comes everybody and Enterprise 2.0





Le post de ce week-end va être consacré à trois livres, plus ou moins récents, et qui sont tous liés à l'Entreprise 2.0 et aux réflexions que j'ai énoncées dans les post précédents. J'ai attendu d'avoir terminé les trois pour faire les revues, car il y a une véritable logique d'ensemble. Je vais procéder par ordre d'importance, très subjectif, à la fois de mon point de vue de lecteur et par rapport aux centres d'intérêt de ce blog.


Le premier livre est « Connected - the surprising power of our social networks and how they shape our lives » de N. Christakis et J. A. Fowler. C'est un livre très riche et très bien écrit, mais qui reprend beaucoup de choses déjà publiées dans d'autres livres cites ici (D. Watt, Barbarasi, Gladwell, Buchanan …), ce que je trouve surprenant pour un livre publié en 2009. C'est également un livre sérieux écrit par des universitaires, donc avec des exemples validés et de nombreuses références. Mon résumé habituel des idées principales est néanmoins allégé par le fait que je filtre des points que je considère acquis en 2009 :

  • L'idée principale du livre est l'homophilie, le fait que « ce qui se ressemble s'assemble » (en clair, la plupart de nos amis nous ressemblent). Ce livre est une source remarquable pour donner du crédit à cette idée développée dans un post précédent. Les auteurs donnent des exemples multiples qui permettent de comprendre le formidable enjeu économique que constitue la maitrise des réseaux sociaux.
  • Une des contributions les plus originales du livre est la caractérisation du lien entre la position des individus au sein de leur réseau social et leur comportement. On retrouve des intuitions énoncées par Malcom Gladwell dans « The Tipping Point », mais ce livre va plus loin : les notions de degrés, de centralité, de taux de connectivités – telles qu'introduites dans les SN – sont ici introduite d'un point de vue de sociologie. On y trouve donc des « vrais chiffres » - par exemple le fait que la probabilité que deux de vos amis se connaissent, qui est de 50%, ce qui est fort utile pour passer de la théorie du « cluster ratio » à l'analyse pratique. Que ce taux de transitivité soit élevé est intuitif, mais c'est encore mieux avec des vraies statistiques. On remarque avec intérêt que, fort logiquement, le taux de transitivité des réseaux de relation sexuelles/sentimentales est très faible (la plupart des gens préfèrent ne pas partager leurs partenaires intimes avec leurs amis).
  • Une grande partie du livre est consacrée aux effets de contagions au travers des réseaux sociaux, depuis l'humeur jusqu'aux maladies. On y trouve la référence attendue à Mark Granovetter et aux liens faibles (j'y reviens plus tard – cf. par exemple mon post).
  • On trouve dans les pages 164 à 167, une série de références sur les liens entre l'organisation en tant que graphe et la facilité à résoudre une tâche collaborative (ce qui prend du relief à la lecture des deux livres suivants). Les expériences sont un peu abstraites pour être directement utilisables mais démontrent l'intérêt du couplage « structure de l'entreprise – communication & collaboration ».
  • Les auteurs sont très favorables aux approches de simulation par ordinateur et échantillonnage (ce qui ne peut que me faire plaisir en tant que lecteur et praticien de GTES). Un des concepts les plus intéressants qu'ils développent avec ces outils est la notion de modularité et l'impact sur la propagation des informations. Ils citent les travaux de Mark Newman que je vais essayer de m'approprier. Il se trouve que ce concept m'intéresse à double titre : celui de l'organisation et celui des systèmes d'information.
  • On trouve, comme dans le livre suivant et dans ce blog, de nombreuses références aux travaux de Robert Axelrod. Ce qui est plus original est la mention des travaux de Chris Hauert, qui vont plus loin dans l'analyse des « patterns » de collaboration et dans sa forme duale, la punition. Les concepts de « free-riders » et de « loners » sont très pertinents dans le cadre de l'organisation d'entreprise, on retrouve des idées de Axtell. J'aime beaucoup la dialectique entre « Homo Dictyous » et « Homo economicus », qui permet d'introduire les comportements de coopération et de punition, au-delà d'une vision « simplement rationnelle » du comportement humain. Très logiquement, les références au « ultimatum game » suivent.
  • Page 234, on trouve une réflexion très pertinente dans le cadre de l'Entreprise 2.0 : « Introductions are a key feature of human life ». Autrement dit, un des rôles du réseau social et de l'organisation de l'entreprise est de permettre les « introductions », c'est-à-dire une mise en relation avec caution. Le chapitre mérite d'être lu pour comprendre ce point fondamental. Les interactions naissent rarement de façon spontanée (sauf pour les super-extravertis J), nous sommes guidés par la structure sociale qui nous entoure (d'où le rôle de la réputation chez eBay).

Pour résumer, même si je n'ai pas appris grand-chose de nouveau, je suis content d'avoir ce livre dans ma bibliothèque car c'est une référence sur de nombreux points clés, comme par exemple l'intérêt du datamining sur les réseaux sociaux.


Le second livre est « Here comes everybody – The power of organizing without organizations". Je suis tombé plusieurs fois sur les présentations audio-visuelles passionnantes de Clay Shirky. Elles sont relayées sur TED, et également mises en valeur sur l'excellent site de Yuman. L'idée principale est que le monde 2.0 (la culture ET les outils) permet l'émergence d'auto-organisation. C'est une des idées clé de l'Entreprise 2.0, sur laquelle le livre suivant va revenir, et que je n'avais pas suffisamment prise en compte dans mes post précédents. Je vous recommande en premier lieu la vidéo de Clay Shirky, mais le livre est également une lecture agréable. Voici les points principaux :

  • L'idée centrale porte sur les coûts de coordinations, dans la tradition des « coûts de transaction » de Ronald Coase. Ces coûts de coordination augmentent rapidement en fonction de la taille. Shirky cite les travaux de Richard Hackman à Harvard sur l'efficacité des groupes de travail en fonction de la taille. Il conclut « not only does managing resources take resources, but management challenges grow faster than organizational size ». On trouve juste après une référence à McCallum sur l'analyse des structures hiérarchiques, avec une réflexion sur la transmission d'information dans ces « bureaucraties » qui font écho à l'excellent interview de Cristobal Conde (que j'ai lu à la suite de la lecture du blog d'Andrew McAffee, l'auteur du livre suivant) : « I think top-down organizations got started because the bosses either knew more or they had access to more information. None of that applies now. Everybody has access to identical amounts of information".
  • Une partie importante du livre traite de la collaboration et de l'intelligence collective, ainsi que des communautés de pratiques, telles que définies par le sociologue Etienne Wenger. A travers l'histoire de Wikipedia et l'exemple des Wiki, Shirky explique les propriétés d'auto-organisation de ces communautés. Il cite également Yochai Benkler (« The Wealth of Networks ») sur la création de valeur par coopération (« commons-based peer production »).
  • Un des points qui m'intéresse le plus s'intitule « It's not how many people you know, it's how many kinds ». Shirky s'appuie sur un article de Ronald Burt "The Social Origin of Good Ideas", qui démontre l'importance de la variété du réseau social pour innover (une idée que l'on retrouve chez Granovetter ou chez Surowiecki (The Wisdom of Crowds). Il me semble, en effet, que cette idée est doublement pertinente pour développer l'innovation en réseau et pour justifier du maillage large de l'entreprise 2.0 (cf. le livre suivant).
  • Je fait abstraction des idées abondamment exprimées ailleurs : le « ultimatum game » (once more J), les « power laws », l'histoire de l'open-source…



Le dernier livre est « Entreprise 2.0New Collaborative Tools for your organization's toughest challenges ». ll y a déjà eu de nombreuses revue de ce livre dans la blogosphère (voir par exemple celle de Duperrin), compte-tenu précisément de l'importance d'Andrew Mc Affee dans cette blogosphère (voir son blog) et son rôle précurseur dans la définition de l'entreprise 2.0 (rôle que j'ai découvert grâce à Fred Cavazza). J'ai personnellement beaucoup apprécié ce livre, ne serait-ce qu'à cause du style (direct mais très documenté, avec un vrai effort de synthèse, d'abstraction et de remise dans un contexte général). La liste suivante des principaux points est, comme toujours mais encore plus ici, partielle :
  • Une des premières idées du livre est précisément le concept de « self-organisation » : E2.0 permet de faire émerger des structures (groupes, projets, …) sans avoir à construire une méta-organisation de coordination. On trouve précisément (p.63) une référence à l'émergence, dans la sens systémique : la méta-organisation est un « bénéfice collatéral » des micros-interactions et de leur réification à travers les outils collaboratifs. Je le cite sur le concept de self-organization, p.140 « I find this the most remarkable property of Enterprise 2.0, and the easiest to overlook ».
  • Le sous-titre « New collaborative tools for your organization's toughest challenges » illustre une idée central que j'ai déjà évoquée plusieurs fois ici (et développé dans mon livre): ce sont les challenges du 21e siècle qui posent des nouveaux problèmes aux entreprises et qui exigent une « nouvelle excellence » de collaboration difficile à atteindre avec des méthodes traditionnelles (cf. également Shirky J).
  • Il y a de multiples exemples réels tiré de la grande expérience pratique de McAffee dans l'accompagnement pratique des entreprises et organisations dans la mise en place de ce qu'il appelle un ESSP (Emergent Social Software Platform). Ces exemples fourmillent de citations intéressantes. Par exemple , tiré de la commission sur 9/11 : " the biggest impediment to all-source analysis – to a greater likelyhood of connecting the dots – is the human or systemic resistance to sharing information". Un autre exemple passionnant est l'expérience de la CIA dans l'utilisation des Wikis et des blogs. Le principal retour est l'importance fondamental du tissage de liens : il encore plus utile de faire émerger le réseau de partage d'intérêt que de simplement partager l'information en première place.
  • Un des exemples largement développé est celui des prediction markets implémentés chez Google (une application pratique du « widom of crowds » mentionné précédemment). Le lien avec l'article « The use of knowledge in society » de F. Hayek est très judicieux.
  • Parmi les nombreux chiffres collectés, j'ai trouvé fort utiles ceux de Thomas H. Davenport, tirés de "Thinking for a Living: How to get better performance and Results", qui sont des statistique sur l'utilisation des différents canaux de communication au sein de l'entreprise : 100% des employés utilisent l'email, 33% Intranet, 29% IM, 25% des sites web d'entreprise.
  • Andrew McAffee redonne la définition de SLATES (un acronyme qui décrit les traits de l'entreprise 2.0, que j'ai déjà mentionné suite à la lecture de Cavazza) : Links, Authoring, Tagging, Extensions (recommandations), Signals. J'y reviendrai car je pense qu'en 2010 on peut faire mieux (plus abstrait et plus riche) en terme de caractérisation de l'entreprise 2.0. C'est évident avec le concept de self-organisation qui n'est pas dans SLATES (autrement que sous forme de conséquence implicite).
  • Une idée simple mais exprimée de façon remarquable : la combinaison blog/RSS (author/signal) correspond à l'architecture publish & subscribe des systèmes d'information. Ayant passé 10 ans à travailler sur pub/sub, cette réalisation a été un « happening » durant la lecture du livre J Mêmes contraintes, mêmes bénéfices (scalable, loosely coupled, …). On peut la rapprocher des trois principes proposés par Burke et Dennehy : travailler avec une audience la plus large possible, organiser le travail par sujet et non selon l'organisation, remplacer les procédures existantes par cette approche 2.0 de pub/sub.
  • Andrew McAffee insiste lourdement, et à juste titre, sur l'importance du tissage des liens faible (avec l'acronyme SWT : Strength of Weak Ties et la référence idoine au génial Mark Granovetter). L'exemple du déploiement de Facebook à Serena est une très belle illustration du bénéfice du tissage via le microblogging. Plutôt que de répéter « I told you so » J je préfère vous renvoyer une fois de plus à l'interview de interview de Cristobal Conde : ce qu'il dit sur l'utilisation du micro-blogging est tout simplement lumineux. Il y a dans ce livre de nombreux témoignages, dont celui de DIA (p. 114), qui permettent de bien comprendre la puissance de cette idée.
  • Un autre insight, simple mais génial, du livre est la réalisation qu'il faut du « temps libre » (des buffers) pour tirer les bénéfices collaboratifs de l'Entreprise 2.0 (p. 118). On touche ici au croisement du lean et du 2.0 : l'émergence ne se produit pas sans un peu de « désordre » , c'est-à-dire l'existence de « degrés de libertés » qui permettent d'explorer de nouvelles configurations collaboratives. Dans un monde ou le taux de charge est supérieur à 100%, la sérendipité est très rare.
  • McAffee aborde, logiquement, les craintes souvent exprimées autour du déploiement du 2.0, et en particulier sur la sécurité. Il rapporte cette très jolie citation de JP Rangaswami « When I think about compliance issues, email makes me very nervous and blogs and wikis calm me down ». C'est l'application pratique du concept de self-policing que McAffee développe un peu plus tôt.
  • La fin du livre porte sur des conseils de déploiement, avec une insistance sur le fait qu'il faut se donner du temps « Enterprise 2.0 is a long haul ». Une remarque très intéressante met en garde sur le danger de faire du déploiement 2.0 en silo dans les organisations, parce que la « masse critique » n'est jamais atteinte. Cette remarque est évidente pour quiconque pratique le 2.0 (ne serait-ce que Facebook) mais très pertinente car la tentation de replacer le déploiement dans un contexte organisationnel est grande pour les grandes entreprises J Un autre conseil très pertinent est le déploiement « in the flow » vs. « over the flow » : ce qu'on pourrait appeler l'utilisation « pour de vrai », lorsque les blogs et wikis deviennent le principal canal de communication. En effet, dans la plupart des entreprises modernes, la denrée la plus précieuse est le temps, donc tout changement « over the flow » rencontre une très forte résistance. Sur la résistance au changement, je vous recommande les pages 168-170, avec des références à Richard Thaler sur le « endowment effect » et à Gourville sur le « 9X Effect ».
  • La conclusion m'a permit de découvrir les travaux de Chris Argyris sur ses modèles théoriques de comportement. La comparaison entre les modèles 1 et 2 ouvre une perspective passionnante sur les enjeux de la transformation de l'entreprise qui devient « 2.0 ». Ce chapitre de conclusion m'a clairement donné envie de lire « Organizational Learning II : Theory, Method and Practice » qui semble incontournable par rapport aux thèmes de ce blog. S'il ne fallait retenir qu'une idée pour vous donner envie de lire cette conclusion : Argyris démontre les effets pervers de quelques « valeurs » classiques des entreprises traditionnelles (management par objectifs, peur de l'échec, répressions de ce qui est perçu comme « émotionnel », rationalité), sous la forme de biais comportementaux qui s'opposent fortement à la collaboration et à l'innovation (entre autres, parce qu'elles limitent la prise de risque).

Il y a dans ces trois livres beaucoup d'information, dont 80% m'est apparu comme un "renforcement" des idées que développe dans ce blog et 20% m'ont ouvert des perspectives nouvelles. Cela me permet d'enrichir mon analyse systémique sur le thème « pourquoi le 2.0 dans l'entreprise ?». Comme ce sujet fait l'objet de publications constantes dans la blogosphère (voir par exemple le référentiel Uséo commenté par Fred Cavazza), j'y reviendrai dans un prochain post pour faire des comparaisons croisées.