dimanche, janvier 29, 2012

Eloge du courriel


Depuis quelques mois, et faisant écho à la déclaration de Thierry Breton qui souhaite supprimer l’usage de l’email en interne chez ATOS, j’entends beaucoup de gens qui prédisent la fin de l’email, et la suprématie des outils 2.0. Dans mon propre livre, j’ai commenté les faiblesses structurelles du courrier électronique, et les avantages à ouvrir des canaux alternatifs de communication, pour désengorger nos boites aux lettres et profiter des nouvelles formes de communication, mieux adaptées à la coopération.
En revanche, je ne crois pas un seul instant à la disparition de l’email, ni même que cela soit souhaitable. C’est peut-être la conséquence de mon âge (j’ai commencé ma carrière professionnelle à peu près au moment ou l’email se répandait dans les entreprises technologiques), mais je suis persuadé que :
  • le courrier électronique est un excellent canal de communication,
  • même face aux alternatives 2.0, il restera un outil clé dans la panoplie des entreprises,
  • l’enjeu est plutôt la « déprolifération », c’est-à-dire débarrasser ce canal des abus (précisément parce qu’il est trop facile d’emploi), pour lui retrouver son efficacité systémique.


Par email, j’entends un moyen de communication textuel (avec des pièces jointes additionnelles), asynchrone, vers un ou plusieurs destinataires désignés explicitement par un identifiant (adresse email), et donc connu(s). Je considère que la boite à message de Facebook relève de l’email : le fait que le réseau soit ouvert (n’importe qui peut vous envoyer un message) ou fermé (seuls les membres de votre réseau peuvent vous envoyer un message) est une modalité.  Il est clair qu’elle joue un rôle clé dans l’abus de l’email avec le spam, mais c’est facile à traiter (je vais y revenir dans ma troisième partie).

1. Forces et Faiblesses
Les forces structurelles de l’email se déduisent naturellement de sa caractérisation en tant que canal :
  • Le mode asynchrone introduit un découplage temporel qui fluidifie l’écoulement de l’information lorsque les taux de charge (taux d’occupation) augmentent. J’en ai parlé abondamment dans ce blog, c’est l’objectif de mon modèle SIFOA. Nous en faisons tous l’expérience : lorsque nous sommes débordés, trouver le temps pour se téléphoner ou se voir devient difficile.
  • La communication textuelle a un triple avantage. Premièrement, elle force à réfléchir et à synthétiser ses idées. C’est la « force de l’écrit », un avantage souligné depuis des temps immémoriaux. Deuxièmement, il y un avantage systémique puisque l’écriture place un effort sur l’émetteur et facilite la prise de connaissance du récepteur avec l’information, ne serait-ce qu’en termes de nombre de mots par minutes. Pour finir, elle est éminemment partageable (trop facilement d’ailleurs !). La communication textuelle facilite la diffusion, lorsque le contenu se prête à cette forme textuelle (cf. plus loin).
  • L’email apporte la traçabilité, un avantage déterminant dans la gestion des demandes. Cette traçabilité est complète : qui, quand, quoi – c’est un outil de communication transactionnel, au sens informatique du terme.-       
  • L’email est un outil ouvert et interopérable : il permet un fonctionnement en « entreprise étendue », avec des partenaires, des fournisseurs, etc. Ce point est évident et admis par tous, je ne vais donc pas y revenir dans ce message et m’intéresser plutôt à l’usage interne de l’email (au sein de l’entreprise).

On peut également mentionner une force conjoncturelle, liée aux outils, qui vient du fait que les « lecteurs email » ont 20 ans d’existence et d’amélioration continue. Ils sont supérieurs, par conséquent, à bon nombre d’outils « Web 2.0 » - en particulier dans le monde du « gratuit ».  En particulier, j’apprécie :
  • Le pilotage temporel, avec une timeline implicite (depuis toujours), et une orientation « personne ». Nous sommes câblés, d’un point de vue neuronal, pour ranger nos informations par période temporelle et en les associant à des personnes. C’est ce que fait implicitement tout lecteur email, et c’est ce qui manque à de nombreux outils de « knowledge management » (KM) ou de « gestion documentaire ». C’est le cas des outils modernes 2.0 (la révolution du KM  est précisément de constater que « who » est encore plus important que « what »), mais rendons justice au courriel.
  • La dualité cloud/device, c’est-à-dire la combinaison d’un repository sur le cloud, accessible depuis n’importe quel device et d’un mode de consultation indépendant de la connectivité réseau (et cela des années avant Dropbox). Quelque chose qui me manque sur bon nombre d’outils 2.0 ou de partage communautaire de document type Intranet.
  • Une ergonomie optimisée, avec beaucoup de drag&drop, de raccourcis, de favoris, de "customisation" implicite par apprentissage.

Examinons maintenant les faiblesses, en adoptant la même décomposition structurelle/conjoncturelle. Les défauts structurels de l’email sont les pendants des caractéristiques :
  • L’utilisation de l’écrit n’est pas toujours adaptée !  D’une part l’écrit peut compliquer et formaliser de façon inutile un message (« un schéma vaut mieux qu’un long discours ») et, d’autre part, l’écrit stérilise, le plus souvent, le message de son contenu émotionnel qui peut être essentiel pour la compréhension. Nous le savons, le courriel n’est pas adapté pour régler des différents, pour traiter des sujets délicats, etc.
  • Le mode asynchrone réduit la « bandwidth », c’est-à-dire la capacité à se synchroniser avec les besoins et les réactions du destinataire. C’est pour cela qu’il faut éviter l’email dès que l’appropriation du message pose question. On ne sait pas comment le lecteur réagit, ce qui limite fortement les cas d’utilisation. C’est le piège principal : on utilise l’email pour son asynchronisme (pas besoin de synchroniser les agendas), et la communication échoue à cause de cette non-synchronisation.
  • La traçabilité produit des problèmes de gestion et de purge (accumulation). Tout ne mérite pas d’être traité comme une transaction … la force des outils 2.0 est de reconnaître le mode « conversation ».
  • L’effet club : on ne parle qu’à ceux que l’on connait ! C’est une des faiblesses systémique les plus profondes et qui justifie le passage à l’Entreprise 2.0, c’est-à-dire le passage à des outils qui permettent de communiquer vers des destinataires que nous ne connaissons pas.  Cette faiblesse est partagée avec le téléphone, et c’est un problème crucial pour les grandes entreprises, à l’heure où il est vital d’utiliser « le cerveau de tous ».

A coté de ces défauts structurels, nous avons des faiblesses conjoncturelles liées au mode d’usage actuel. Sans être exhaustif, il me semble que nous avons trois problèmes principaux :
  •  Le spam : c’est-à-dire l’utilisation du canal par des flux inutiles du point de vue du lecteur. Les anti-spams ne sont pas une solution suffisante. Le fait de traiter les messages de façon uniforme indépendamment de leur provenance n’est plus acceptable aujourd’hui, à l’heure des réseaux sociaux. C’est la raison principale pour laquelle les jeunes ont abandonné cet outil et n’y reviennent que lorsqu’ils y sont forcés par leur entrée dans la vie professionnelle. En revanche, ils utilisent le mode « courriel » de Facebook : le problème n’est pas le textuel asynchrone, c’est bien l’ouverture aveugle.
  • La sur-utilisation dans le cadre de l’entreprise : le fait que trop d’information passe par le canal email. Cet abus est précisément la conséquence de la facilité d’utilisation de l’outil …
  • La faiblesse du protocole de distribution : l’abus des pièces jointes crée des multiples copies qui rapidement se désynchronisent. L’utilisation des liens est une solution si les outils sont très rapides et efficaces, mais c’est rarement le cas. Nous attendons une approche « Dropbox » pour que les pieces jointes soient à la fois locale (rapidité) et partagées … et il est toujours possible d’utiliser Google docs !

Cette analyse des faiblesses n’est pas relative : je n’ai pas pointé les domaines pour lesquels l’email est moins adapté que d’autres formes de communication ou d’autres outils. C’est parce qu’il est évident que l’email doit être combiné précisément avec ces autres formes de communication, au lieu d’être un outil fourre-tout. C’est la thèse défendue dans ce blog depuis 5 ans et dans mes deux livres, Performance du SI et Processus et Entreprise 2.0.

2. Analyse comparée : pourquoi le courriel est utile et nécessaire ?
Quelle est la concurrence avec la quelle il faut comparer l’email ? Je vais séparer le monde de la communication électronique et le monde des autres formes de communication, parce qu’il est essentiel de rappeler que les outils électroniques ne remplacent pas le contact physique.
Dans le monde des outils électroniques introduit avec l’arrivée du Web 2.0, on peut citer trois groupes (j’agrège et je simplifie) :
  • La messagerie instantanée (IM), dont l’immense avantage est d’éviter l’encombrement. C’est un outil de conversation, le message est éphémère : s’il n’est pas saisi, on passe à autre chose. On peut placer le micro-blogging (le statut de FaceBook ou le message Twitter) dans la même catégorie. Il me semble évident qu’il y a un avantage systémique à distinguer les transactions des conversations. Les messages « périssables » ne devraient pas encombrer les boites aux lettres, et l’idée d’ajouter une date de péremption, même si elle est intéressante, ne remplace pas l’ergonomie immédiate de la messagerie instantanée.
  • La communication « broadcast vers sa communauté », qui correspond à l’usage des outils « de type Facebook » dans l’entreprise. Le point clé est double : communiquer vers ceux que mon message intéresse, au moment où cela les intéresse. On évite de la sorte l’effet club : la structure de communauté permet de rencontrer de nouveaux destinataires, autour d’un contenu ou d’un thème.
  •  La communication « content-centric », telle que les sites communautaires de partages de documents. Toutes ces plateformes qui proposent des formes enrichies des « intranets d’entreprise ou  de département » sont bien mieux adaptées que l’email à la collaboration sur un « artefact numérique » (un document, un powerpoint, une maquette numérique, etc.).

Je ne vais pas m’étendre sur l’impérieuse nécessité des entreprises à capturer et apprivoiser l’usage de ces nouveaux canaux de communication 2.0, c’est mon sujet favori et habituel. Ce qui m’intéresse aujourd’hui, c’est qu’une fois ces outils introduits et ces pratiques mises en place, il reste de la place pour l’email ! Mais il faut d’abord rappeler qu’il existe d’autres alternatives « 0.0 » à l’email :
  • Le coup de téléphone : son intérêt est d’offrir un meilleur feedback, parce que synchrone, et de permettre l’informalité de la communication orale. Dans certains cas la formulation écrite apporte un plus, mais dans de nombreux cas, elle est soi trop concise soit trop verbeuse, alors qu’un coup de fil permet d’adapter la quantité d’information.
  • Le déplacement, pour passer voir son interlocuteur, représente l’étape suivante en termes de « bandwidth », c’est-à-dire de richesse du feedback. Des que les émotions entrent en jeu, parce qu’il y a désaccord par exemple, le contact physique permet de décoder, dans les expressions du visage et dans les postures corporelles, tout ce qui est nécessaire pour un vrai échange.
  • La visio-conférence se situe à mi-chemin entre les deux ; plus la technologie progresse (téléprésence), plus on se rapproche des bénéfices d’un contact direct.
  • La patience, qui consiste à attendre la prochaine réunion, ou la prochaine rencontre, pour aborder de vive voix le sujet. J’insiste souvent dans ce blog sur l’importance de la réactivité et la rapidité de diffusion d’information. Il y a aussi beaucoup d’information non urgentes, pour lesquelles il vaut mieux attendre le bon moment, plutôt que de « pousser » une email qui sera mal compris (si il est lu).
  • L’instauration de points de rencontre réguliers et fréquents, qui créent un canal de communication précieux. La pratique des « stand-up meetings » quotidiens ouvre un espace de communication informel qui est bien plus efficace que l’email pour de nombreux sujets.

Toutes ces alternatives 0.0 servent à palier la faiblesse du message écrit et à réintroduire l’importance de l’appropriation. Si l’on combine les forces du 0.0 et du 2.0, on obtient le périmètre de l’email (textuel, nominatif et asynchrone) par différence. Le message doit être clair (adapté à l’écrit), il doit être significatif (justifiant l’utilisation d’une forme transactionnelle de communication) et il doit être personnel (la désignation de l’interlocuteur est constitutive de la communication). Dans la pratique, l’email reste donc:
  • Un bon outil de signalisation, pour faire savoir qu’une information est disponible (l’email ne contient pas le contenu, qui est sur un site partagé) mais un signal (mise à disposition, mise à jour, etc.). Il ne faut pas abuser de la signalisation mais à l’inverse le mode « pull » (ou l’on va chercher ce dont on a besoin) ne suffit pas non plus. Il existe d’autres façon de faire des notifications, mais pour certains sujets important, il faut une forme transactionnelle de notification (voire avec un « accusé de reception ») et l’email est approprié dans ce cas.
  • Un bon outil de diffusion des décisions, pour faire circuler un relevé de décision clair, comme le compte-rendu d’une réunion. Le coté nominatif est approprié, et la capacité à transmettre est également un avantage.
  • Un bon outil pour enregistrer une demande : la forme écrite force à formuler et préciser la demande, l’aspect transactionnel  facilite la gestion et le pilotage, et le coté nominatif renforce l’engagement. Ce n’est pas le seul outil pour gérer des demandes : dans le cadre de la gestion des processus métiers, il existe des plateformes mieux adaptées car plus spécialisées, en particulier pour gérer le workflow qui s’en déduit. En revanche, le courriel est un outil naturel pour gérer les demandes « hors processus ».
  • Un bon outil pour prendre contact, pour initier une relation. De façon paradoxale, l’email est un outil naturel pour construire les réseaux et les communautés du 2.0. L’aspect asynchrone est important pour franchir une « barrière », l’email est un canal privé – par opposition à un blog ou un mur – qui est utile pour aborder des sujets confidentiels, incertains ou sensibles (mais en dehors d’un contexte émotionnel qui suggère la rencontre en personne).
  • Un bon outil pour conduire une collaboration informelle sur un temps long : cela existe encore ! Je vais faire ici la même remarque, même si le temps s’accélère, il reste de la place pour les processus lents, pour la gestation d’idées. J’y reviendrai dans un prochain billet : l’innovation nécessite souvent du temps.


3. Petite prospective : comment le courriel doit évoluer?
Pour conclure ce billet, je vais livrer quelques réflexions sur les évolutions qui me semblent nécessaires dans nos outils « lecteurs d’email », pour faciliter la restriction de l’usage et sa meilleure adaptation aux défis de communication de l’entreprise :
  • Il faut réintroduire la notion de cercles (à la Google+) et de groupes fermés dans l’email. Il n’est pas logique de ne pas isoler les flux qui proviennent de ses propres réseaux, avec la structuration calquée sur l’organisation (hiérarchique et projet) de l’entreprise. On m’objectera que c’est déjà facile à faire avec la notion de requête et de groupes dynamiques (sous Outlook par exemple). Il n’en reste pas moins que les outils email sont en retard sur ce sujet.
  • Il faut déplacer le support de la collaboration vers des plateformes 2.0 pour se limiter à la coopération par email.
  • Il est urgent, de façon plus générale, de réduire l’usage des communications électroniques pour retrouver, d’une part, l’efficacité des rencontres, mais aussi pour retrouver l’efficacité des outils électroniques lorsque ceux-ci sont utilisés à bon escient.
  •  La gestion du courrier électronique doit progresser en termes de gestion du cycle de vie des messages et introduire des mécanismes de purge ou d’archivage semi-automatique et pertinent. Une partie de ces idées est implémentée mais il faut progresser, par exemple en distinguant les conversations des transactions de façon plus automatique et plus simple.
  • Pour finir, il faut que les outils soient accordés avec des « règles de bon usage », liées à une vision systémique – cf. LEMM : Lean Email Management. C’est un sujet complexe : il existe de nombreuses chartes, mais il est difficile de les faire appliquer. Pour que le courrier électronique ne soit pas victime de son succès, pour que nos boites email retrouvent une taille « humaine » et que nous bénéficions à nouveau de l’efficacité de ce canal, il faut que nos outils incorporent des garde-fous, une déclinaison interne du concept d’anti-spam.



9 commentaires:

  1. Dr Caseau,

    Ayant lu avec intérêt votre post, je me permets de le commenter.

    Il est vrai qu’à l’ère des communications non seulement digitales mais aussi globales, le courriel constitue un outil fondamental de collaboration. Ainsi, celui-ci s’inscrit dès lors comme une ressource trouvant toute sa place dans la notion de Sharing de l’acronyme CAMS (Collaboration, Automation, Measurement, Sharing) du mouvement devops [0].

    Cependant, comme l’avez très bien souligné, le courriel en sa forme actuelle peut encore être amélioré. D’ailleurs, je me permettrai de citer deux initiatives novatrices pour le repenser::

    -Apache Wave [1]

    -Mozilla Raindrop [2]

    Mais, dans toute communication, le côté humain reste la partie principale. C’est pourquoi, pour évoluer dans sa démarche devops, avec une vision globale de l’entreprise comme proposée par le mouvement allops [3], l’association Communication & Entreprises [4] semble particulièrement intéressante à ce sujet.

    Enfin, afin d’illustrer toute la pertinence de votre post, je me permettrai de citer le célèbre Bill Gates, qui fait lui aussi une allusion à l’importance du courriel et sa complémentarité avec la rencontre humaine, dans son ouvrage “Business @ the Speed of Thought” (Chapter 3 Manage Knowledge to Improve Strategic Thought, p. 58) [5] ::

    “We reached most of the important decisions during this crisis in face-to-face talk. But our decisions were all informed by exchanges taking place over e-mail. Working together electronically cannot replace face-to-face meetings. It’s a way to make sure that more work gets done before meetings so that the meetings in person will be more useful. Meeting time is so valuable that you want to be sure you’re dealing with facts and good ideas based on solid analysis. You want to be sure that meetings produce plans, that you don’t just sit around talking philosophy. E-mail helps turn managers from middlemen into “doers.” It encourages people to speak up. It encourages managers to listen. That’s why, when customers ask what’s the first thing they can do to get more value out of their information systems, I always answer,” e-mail.””

    Cordialement,

    [0] http://www.opscode.com/blog/2010/07/16/what-devops-means-to-me/
    [1] http://incubator.apache.org/wave/
    [2] http://mozillalabs.com/raindrop
    [3] http://dyn.com/allops-evolution-from-the-devops-culture-movement/
    [4] http://www.communicationetentreprise.com/
    [5] http://www.penguinreaders.com/pdf/downloads/pr/teachers-notes/9781405880282.pdf

    Guillaume FORTAINE

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  2. Anonyme9:47 AM

    Parmi les différents avantages de l'email, il me semble qu'il en manque une notion essentielle qui fait que l'email est très utilisé en entreprise.
    Le mail apporte un aspect officiel à son contenu, le fait de le diffuser volontairement vers des destinataires, le fait de prendre soin d'écrire, le fait qu'un email est daté, peut marquer la volonté d'en garder une trace et de marquer un fait ou un évènement que les destinataires ne peuvent nier.
    Il peut également renforcer l'importance d'une conversation téléphonique par l'envoi d'un compte rendu.

    Même si techniquement l'email ne possède pas toutes les sécurités appropriées, il est souvent utilisé pour marquer officiellement un propos ou un évènement. On pourrait le comparer à un courrier en recommander (dans son utilisation et à tort sans doute).

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  3. Merci à Guillaume pour son commentaire détaillé ... et oui, je suis d'accord avec la "sanctuarisation de l'écrit", qui donne un intérêt implicite à l'email.
    J'ai lu le livre de Bill Gates il y a longtemps, et meme si j'apprécie la citation sur l'email [très intéressante d'un point de vue systémique, elle articule la complémentarité entre les flux ecrits/asynchrones et les flux oraux/synchrones], elle date quelque peu, précisément de l'époque ou les entreprises bénéficiaient des avantages, et pas trop des inconvénients, parce que le degré d'usage était plus faible.
    Cf. mon commentaire au billet de Bertrand Duperrin: http://www.duperrin.com/2012/02/23/lemail-nest-pas-mauvais-que-pour-la-productivite/

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  4. En lisant ce billet, plus particulièrement le point 3 final, et en recoupant avec quelques situations vues mais non vécues (ce qui amène la question : quelle était la différence ? — déjà le fait que les jeunes informaticiens qui savent travailler en groupe ont plus de notion du bruit que ceux qui ont découvert le mail en marche), je me suis dit qu'en fait, ce qu'il faut réinventer et qui manque dans les entreprises (et dont je parle dans mon propre bouquin, en plus !), c'est... la mailing list. L'ancêtre du cercle Google, quelque part. Je ne sais pas si le groupe dynamique d'Outlook est similaire, mais ayant une certaine méfiance profonde vis-à-vis des réinventions de M$ complètement de travers, je vois donc les avantages suivants :

    _ la ML permet d'agréger les personnes pertinentes, ni plus ni moins (système d'abonnement et de désabonnement), selon des thèmes par projet (pour une solution donnée : les développeurs, la comm' interne, les bugs, etc.) ;

    _ la ML permet de mieux filtrer les messages entrants, en les triant automatiquement dans des dossiers, et en éclaircissant ce qui relève de la vie d'un projet de ce qui est du mail "nominatif", a priori plus urgent ;

    _ la ML est archivée (sous une sorte de forum selon les reply), inutile donc de se dire que chacun devrait garder une copie de tous les messages, ce qui permet la purge de la boîte locale tout en conservant un historique commun quelque part ;

    _ la ML a montré son incroyable pouvoir avec le logiciel libre : des gens qui ne peuvent se voir qu'une fois par an (disséminé tout autour de la planète), auto-gérés, qui sont parfois plusieurs milliers sur un même code source ;

    _ la ML est carrément KISS (et c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures soupes).


    (sinon, avez-vous regardé Yammer ? On rajoute une Dropbox, et le monde est parfait — jusqu'à la prochaine... :) )

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  5. Bonjour M. Caseau;

    Orienté sur votre blog, passionnant, par l'un de vos collaborateurs, "par email":o) je voudrais réagir sur cet article en attirant votre attention sur quelques points qui sont encore à mon sens sous "exploités - estimés" en entreprise, et sur les possibles évolutions productives du courriel.

    1/ Le Management - La formation.

    Pour nombre de PME PMI le management pense pour acquit par leurs collaborateurs une utilisation rationnelle et optimale du courriel. Pourtant, souvent ils ne sont pas formés et peu curieux de se documenter sur les fonctionnalités des logiciels.

    Des lacunes sont rencontrées, comme indiqué dans votre point N° 3, pour la notion de groupes ou de cercles, (Qui n'a jamais reçu un courriel, plus ou moins sensible, qui ne lui était absolument pas destiné), dans le classement et l'archivage.


    2/ Le Facteur humain / Traitement et Classement.

    Certes vous avez raison, l'usage en est parfois sur abondant, donc chronophage, certains utilisateurs rencontrent une difficulté croissante pour organiser et classer ce flux croissant.

    Qu'il soit employé en mode "1 to 1" ou "1 to many", chacun réceptionnera l'email à sa façon, donc souvent des avantages tels que la traçabilité ou la recherche seront altérés.

    Le traitement reste donc aléatoire et profondément anarchique.

    J'ai par le passé tenté de différencier les courriels par "type" avec des "ML" :
    * Informations & Partage (Thèmes Libres)
    * Contact & Offres (N° de Dossier)
    * Rapports & Suivis (N° de Projet)
    * Requêtes & Demandes (N° de Projet)
    * Impératifs & Urgences (N° de Projet)
    * Tâches & Réponses (N° de Projet)

    M. Blanc a raison dans son argumentaire dithyrambique sur la ML pourtant... une telle tentative de classement montre vite ces limites, car parfois plusieurs idées , sujets ou projets sont abordés au sein d'un même courriel, et il devient vite fastidieux de devoir "imposer" à vos collaborateurs un mode "unique" de traitement.
    Un système trop rigide nécessitant un parfait cloisonnement est rarement pérenne.
    Existerait-il désormais (avis aux développeurs :o) un outil permettant une certaine uniformisation du classement et de l'archivage, tout en conservant une organisation propre à chacun. Partager avec ses collaborateurs un mode de libellés multiples qui serait facilement en-codable directement dans le courriel au même titre qu'un nouvel expéditeur devient un nouveau contact.
    Cette gestion automatique et partagée des libellés serait à mon sens une des clés pour optimiser au mieux le flux des courriels.

    ...suite

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  6. ...suite

    3/ Les logiciels de demain du 2.0 au 3.0 / Partage - Reconnaissance & Fonctionnalités avancés.

    *Notion Synchrone

    Certes le courriel est asynchrone, mais la notion de "discussion" à deux ou plus pourrait être
    utilisée, traitée et hybridée en entreprise sous forme d'e-mail avec archivage et retranscription automatique de ce qui a été écrit pour chaque participant.
    Cette forme de travail - échange collaboratif est presque synchrone, et a pour avantage de laisser s'exprimer simultanément de multiples "user" tout en évitant la cacophonie et pouvoir ultérieurement consulter et synthétiser les idées exprimées.

    *Pense bête

    Utilisateur de "Gmail" depuis 2005, discrètement une fonction très intéressante c'est glissée dans la "lecture automatique " de mes envois d'e-mail, la notion de pièce jointe...
    Lorsque les termes "fichiers joints", "ci-joint"... sont écrits, si il n'y a pas de pièce jointe à mon e-mail, Google me signal ce potentiel oubli.
    Cette fonction m'a déjà servi à de nombreuses reprises (faute au multitasking:o),et je suis certain que cette voie pourrait ouvrir de nombreuses portes sur l'organisation du travail, la création automatique de "todo list", des rendez-vous, de rappels.

    *La multi-mémoire

    Par excellence l'email mémorise, et surtout il ne "pèse rien", il serait donc utile sous forme de méta-mémoire archiveraant les retranscriptions écrites de toutes nos conversations téléphonique depuis fixes et mobiles, visio-conférences...

    N'en déplaise à M. Breton et son effet d'annonce, je suis dubitatif sur le coté superflu ou dépassé de l'email. Comme tous les outils connus à ce jour, son utilisation peut être parfois pervertie, et il nécessitera des améliorations, mais indubitablement il devient le paradigme de la communication écrite du 21ème siècle.

    Cordialement.

    Alexandre Tichit.

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  7. @Gilles : tout a fait d'accord, j'ai grandit avec les "mailing lists", et leur usage a quasi disparu dans notre entreprise, ce que je regrette. Ce n'est pas la solution à tous les problème, mais c'est très utile, et je suis assez en phase avec ton panégyrique ;) En particulier, l'auto-organisation/gestion/archivage de la ML !

    @Alexandre: merci pour ce long commentaire, quelques éléments rapides de réponses:
    - oui, oui,oui, la formation est importante, à l'outil et surtout à la systémique, voir à l'économie, puisqu'une partie du problème est une "tragédie des communs" (cf. mes billets précédents)
    - J'ai eu la chance de travailler avec Jean-David Ruvini qui m'avait construit un petit robot classeur dans des sous-dossiers ... et cela marchait très bien (il y a 10 ans). Depuis j'ai adopté une autre approche, parce que je m'appuie plus sur Google pour retrouver des anciens emails.
    - Google Wave a cherché à réintroduire la synchronicité (ou presque) dans l'échange de courriel. Même si cet outil n'a pas été un succès, il y avait quelque chose de puissant.
    - J'utilise en effet la boite email comme todo list, en utilisant des couleurs. J'avais essayé le transfert auto dans la todo list outlook, mais meme si cela se fait avec un glisser-deplacer, ce n'est pas un bon outil (leur outil de gestion des TODO).
    Je ne dirai pas que l'email est LE paradigme de communication écrite, je dirai UN paradigme indispensable. Cf. mon bouquin ou des posts précédents: le blog/forum, le micro-blogging sont des formes distinctes et également fort utiles (cf. le point sur l'effet club).

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  8. @Yves : ça tombe bien alors ! :) (j'avoue avoir un peu écrit ce commentaire en pensant à mon ami Thierry Stoehr qui explique les mérites du cahier papier et du stylo — mais il faut le voir pour comprendre comment on peut écrire sous l'eau)

    @tical1969 : les libellés, c'est LA vraie innovation de Gmail (qui revient à mettre des étiquettes, n'est-ce pas, "l'innovation de rupture", c'est un vieux pot rhabillé pour faire hype). Personnellement, à chaque fois que je reçois un mail, je le classe avec les thématiques qu'il y a dedans (avant même de le lire vraiment... Pas toujours le temps !), et l'invention suprême (mieux que le code couleur et le post-it, incroyable !), c'est le sous-libellé, la hiérarchie à un niveau (par exemple, j'ai un libellé principal "client", un autre "partenaire", un "type de prestation", ou encore "sujet de prospective", et à chaque fois je décline plus en détail). Quand je vois la boîte mail toute bordélique de ma bienaimée (un atroce hotmail), ça me fait bien rire (cette horreur ne gère même pas le fil des réponses — qui n'est pas totalement géré sous Gmail, ceci dit).
    Les grands outils pour les grands hommes, que diable ! :)

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  9. Très intéressant. Je suis chargé d'une réflexion sur ce sujet dans mon organisation et ce billet va m'aider

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