dimanche, novembre 15, 2015

Innovation et entreprenariat


Le billet de ce jour est un complément à ma série de billets sur l’innovation, à partir d’un certain nombre de livres et de témoignages sur l’entreprenariat. La culture d’entreprenariat est un sujet à la mode, en particulier dans les grandes entreprises et dans les ouvrages sur le management de l’innovation (sic), à juste titre. Pour simplifier, on pourrait dire qu’innover requiert :
  • Des compétences pratiques (en particulier dans le domaine numérique)
  • Un peu de méthode pour travailler avec les utilisateurs, le sujet du dernier billet sur Lean Startup,
  • Un « mindset » (culture et attitude) différent, ce qui va être le sujet de ce billet.
Je vous renvoie à un autre billet sur l’interaction entre les deux premiers points (« from code to customer » and « from customer to code »). Mon propos aujourd’hui est d’appuyer l’importance du « mindset », avec une double lecture à la fois conceptuelle, en m’appuyant sur le principe d’effectuation, et pratique, en m’appuyant sur des témoignages structurés comme ceux de Guy Kawasaki ou d’Oussama Amar.

1.  Effectuation


J’ai eu à la fois le plaisir de lire le livre « Effectuation : Les principes de l’entreprenariat pour tous » de Philippe Silberzahn et d’écouter l’auteur lors d’un séminaire sur le même sujet.  J’ai utilisé de nombreuses fois implicitement les principes de l’effectuation lorsque je parlais de « affordable loss » ou de l’utilisation des surprises. Le livre de Philippe Silberzahn est une référence pour comprendre ce paradigme de l’effectuation, qui me semble la façon la plus concrète et la plus efficace d’absorber une partie de culture entrepreneuriale dans l’entreprise. L’effectuation a été théorisée par Saras Saraswathy en suivant le protocole « classique » de partir de de 45 entrepreneurs ayant connu des succès. A travers des entretiens approfondis et des mises en situations, elle a pu définir cinq caractéristiques de la façon de penser, de résoudre des problèmes, d’agir, propres aux entrepreneurs. Je vous donne ici la version  de Philippe Silberzahn des cinq traits de l’effectuation :
  • « Un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » : Démarrez avec vos moyens : qui vous êtes, ce que vous savez et qui vous connaissez, et pas avec une opportunité.
  • « Perte acceptable » : Agissez sur la base de ce que vous êtes prêts à perdre, pas de ce que vous pensez gagner
  • « Patchwork fou » : Concentrez-vous sur la construction d’un réseau de partie prenantes auto-sélectionnées, pas sur une analyse concurrentielle
  • « Limonade » : Tirez parti des surprises, n’essayez pas de les éviter
  • « Pilote dans l’avion » : L’avenir dépend de ce que chacun fait. Il n’y a pas d’évolution inévitable, et l’avenir n’est pas écrit

Je vous recommande la lecture du livre, même si vous êtes familiers avec ces idées, parce qu’il est très bien construit, en tissant les exemples et les principes. Voici quelques illustrations et citations qui m’ont le plus intéressé.

  1. L’effectuation est le fondement rationnel et scientifique de l’axiome fondamental qu’innover c’est faire. Comme l’affirme le pretotyping manifesto, « innovators beat ideas ». Je cite ici le livre : «Plus que l'idée, c'est l'action autour de celle-ci qui compte » et « L'expérience a été confirmée de nombreuses fois. L'origine du projet entrepreneurial, ce n'est pas l'idée, c'est vous ». Sur ce point, il y a une cohérence totale entre effectuation, pretotyping et Lean Startup. Mais il y a plus encore dans le premier principe de l’effectuation : il faut partir de ce qu’on est et ce qu’on a, au sens large : « L'effectuation consiste non pas à partir des buts pour déterminer les moyens nécessaires pour les atteindre, mais au contraire de considérer les moyens dont on dispose pour déterminer les buts possibles. ». Nous sommes ici dans l’application complète des idées de l’efficacité et du potentiel de situation de François Julien (L’entrepreneur est « Chinois » - il s’adapte et profite des opportunités de l’environnement – et non pas « Grec » - il ne cherche pas à imposer son plan au monde).

  2. L’entrepreneur construit un réseau de partenaires (le « patchwork fou ») qui sont intéressés comme lui au succès de son entreprise. Dans de nombreux cas, le trait de génie, c’est de construire un modèle qui intègre la vente et la distribution au moyens des autres, partenaires ou utilisateurs, dans un cercle vertueux ou le succès appelle le succès : «  L'innovation, écrivent-ils, est l'art de l'intéressement » ; « le décollage d'une startup se produit lorsque le réseau sociotechnique des acteurs ayant intérêt à son succès atteint une masse critique et devient un marché ». Le plus bel exemple de cet axiome est Uber, qui a construit un business model sous forme d’une équation du comportement des acteurs dont l’unique solution est de contribuer au succès global ! En liant non seulement les rémunérations mais aussi l’apport d’affaire à la satisfaction exprimée des clients transportés, la plateforme produit par construction des partenaires « alignés ».

  3. Le quatrième principe (« limonade ») est celui que j’ai qualifié d’antifragile en référence à Nassim Taleb: savoir profiter des aléas et de l’adversité. L’auteur écrit : « l'incertitude est la matière première de l'entrepreneur ». Non seulement on part de ce dont on dispose, mais on s’adapte de façon continue à ce que l’on trouve en chemin : « La caractéristique d'un entrepreneur est peut-être précisément de savoir donner une valeur à une ressource grâce à un usage inattendu de celle-ci, auquel d'autres n'ont pas pensé, ou qui leur répugne ». En particulier, l’entrepreneur s’adapte de façon continue à ses utilisateurs ou futurs clients.  Philippe Silberzahn insiste sur l’importance du design, à la fois comme le cadre de l’observation nécessaire de l’environnement et comme une démarche de co-construction : « Parce qu'elle représente une théorie générale de création d'artefacts ancrée dans une logique sociale de co-construction, l'effectuation constitue ainsi la philosophie d'action naturelle d'une démarche de design thinking ». Je vous renvoie aux slides de mon intervention au Lean IT Summit sur le lean startup.

  4. S’adapter ne signifie pas ne pas avoir de vision, de volonté ou de passion. L’effectuation s’inscrit dans le cadre d’un environnement complexe qu’il n’est pas possible de prévoir. Mais l’entrepreneur n’est pas un simple opportuniste, il construit son terrain d’action de façon progressive : c’est son action qui détermine son futur, « Résolution de l'incertitude et création de marché : deux face d'une même pièce ». C’est toute l’ambiguïté de la posture d’entrepreneur : « l'effectuation … affirme que dans la mesure où nous pouvons contrôler l'avenir, nous n'avons plus besoin de le prévoir ». Nous allons revenir sur l’importance de la passion et de la volonté dans la suite du billet.

  5. Philippe Silberzahn fait référence au Lean Startup qu’il oppose partiellement à l’effectuation : « pour ce qui concerne la relation avec un client potentiel, l'effectuation observe qu'au contraire de Lean, l'entrepreneur ne la conçoit pas comme un exercice de découverte de besoins cachés au moyen d'un produit, mais comme une démarche de co-construction de ce dernier ». Je ne partage pas son analyse, car j’ai une vision plus large du lean startup, suivant les idées de Nathan Furr et Jeff Dyer. Par exemple, je n’oppose pas design thinking et minimum viable product, ce sont deux phases d’un même processus. La quasi-totalité des reproches fait au Lean Startup dans ce livre tombent si l’on adapte ce point de vue plus large.

  6. Pour terminer, Philippe Silberzahn évoque une idée que nous allons retrouver, celle que l’entrepreneur a pour but d’être le leader incontesté de son micro-domaine. Il cite Geoffrey More : « La solution préconisée par Moore est assez simple en théorie : devenir leader en s'attaquant à une micro-niche » ; il me semble intéressant de faire le lien avec le best-seller de Peter Thiel  « From Zero to One ». L’idée centrale de Peter Thiel est que le monde numérique est un monde avec peu de friction dans lequel «winner takes all », ce qui implique que pour réussir une entreprise doit soit construire un monopole soit être le leader incontesté de sa propre niche de marché. «  Every startup is small at the start. Every monopoly dominates a large share of its market. Therefore, every startup should start with a very small market”. Une des conséquences est que pour réussir, il faut construire et développer sa communauté de « fan absolus », qui est la marque d’un leader incontesté. Cette idée essentielle va se poursuivre dans la suite du billet. J’en profite pour faire une autre citation de Peter Thiel qui résonne avec le thème de l’effectuation : “all companies must be “lean”, which is code for “unplanned”. You should not know what your business will do; planning is arrogant and inflexible. Instead you should try things out, “iterate” and treat entrepreneurship as agnostic experimentation”.



2. Réussir sa startup selon Guy Kawasaki


Guy Kawasaki est une des figures de l’internet et de l’art des présentations. Il a été le « Chief Evangelist » d’Apple à la grande époque du début du Macintosh (je le cite sur ce terme : « Evangelism comes from the Greek word that means, approximately, “to proclaim the good news.” I was Apple’s second software evangelist, and I proclaimed the good news that Macintosh could make people more creative and productive”). Je vais m’intéresser à son livre « The Art of the Start 2.0 : The time-tested, battle-hardened Guide for Anyone Starting Anything”. Il s’agit d’un livre très concret et pragmatique, avec des exercices, des checklists, des FAQ. Ce livre n’est pas sans rappeler « Running Lean », c’est un livre pour l’action, donc en faire un résumé n’a pas beaucoup de sens. Il y a des remarques savoureuses sur les « intrapreneurs » et sur leur meilleure stratégie pour survivre dans un contexte de grande entreprise, qui ne sont pas sans rappeler les propos de Trevor Owens. Je vous livre ici quelques idées et points saillants sur l’entreprenariat, mais je vous recommande chaleureusement la lecture, il y a plein d’autres raisons de lire ce livre !

  1. Par exemple, c’est pour moi un livre de référence sur l’art du pitch, pour de multiples occasions. Bien sûr, c’est particulièrement utile pour des entrepreneurs en quête d’investisseur, mais l’applicabilité de ses conseils est beaucoup plus large. Voici quelques illustrations de ces conseils : «  The next step is to create a three- to four-word mantra that explains the meaning that your startup is seeking to make”; “Pitch Constantly, familiarity breeds content. When you are totally familiar and comfortable with your pitch, you’ll be able to give it most effectively. There are no shortcuts to achieving familiarity—you have to pitch a lot of times”. L’idée que le pitch est la pratique fondamentale de l’entrepreneur est maintenant devenue une évidence, relayée par les incubateurs, que nous retrouverons dans les propos d’Oussama Amar. Kawasaki exhorte les entreprises à organiser des compétitions internes de pitch. C’est ce que j’ai pratiqué à Bouygues Telecom avec un très grand succès. Selon Kawasaki, il est plus important d’encourager le développement des pitchs que d’encourager la création d’idée dans une entreprise pour favoriser l’innovation. “GET TO IT. Explain what your product does in the first thirty seconds. Explain the problem or pain that it addresses in the second thirty seconds”.

  2. Le design joue également un rôle important dans ce livre, tout comme dans le livre précédent. L’influence de la culture Apple est sensible, avec comme objectif la création de produits qui obéissent à l’acronyme DICEE (Deep, Intelligent, Complete, Empowering, Elegant). « Empowering »  signifie « Curve-jumping products make people better by increasing their productivity and creativity” tandis que l’élégance est la combinaison de la puissance et la simplicité.

  3. Un des thèmes clés du livre est le soin qu’il faut apporter à son positionnement et à la définition de ses « Value Propositions » (que je vais désigner par UVP par la suite). Il faut travailler soigneusement son message, et choisir une cible precise, en concentrant toute son énergie sur un sujet : « While it’s hard enough to create and communicate one message, many startups make the mistake of trying to establish more than one because they are afraid of being niched and want the entire market”. Le message doit être transformé en histoire, pour toucher son public dans des émotions : « People want more than information. They are up to their eyeballs in information. They want faith—faith in you, your product, your success, and in the story you tell. Faith, not facts, moves mountains ».  Cette histoire doit être facile à comprendre, il faut la tester sur ses proches, et elle doit être unique (le U de UPV) : « Do you describe your offering in a way that is opposite to that of your competition? If you do, then you’re saying something different. If you don’t, then your positioning is useless”.

  4. Le livre contient beaucoup de conseils pratiques pour la création de sa startup, comme par exemple comment trouver les meilleurs noms et s’assurer qu’ils sont libres (en visitant les différents réseaux sociaux). Il y a un alignement implicite sur les principes de l’effectuation – il faut faire avec ce que l’on a. Le chapitre sur les bootstrapping (démarrer sans lever d’argents avec ses propres moyens) est très instructif et valorise cette approche « un tiens vaut mieux que deux tu l’auras » : « It’s a wonderful world! This chapter explains how to survive the critical, capital-deprived early days of a startup by lifting yourself up by the straps on your boots”. Il insiste également beaucoup sur l’importance du Product-Market Fit : “ I’ve seen hundreds of startups die because people simply refused to embrace their product”. Nous reviendrons sur le ce sujet dans la troisième partie. J’ai noté le concept du « premortem analysis », qui consiste à simuler à l’avance la réunion de « post-mortem » qui a lieu lorsqu’un produit échoue (ne trouve pas son marché), et de construire la liste des raisons pour laquelle le produit n’a pas satisfait ses utilisateurs … avant de l’avoir lancé : « Write a list of at least ten factors that could kill your launch. How many can you eliminate? ».

  5. Pour conclure, Guy Kawasaki insiste sur l’importance de la communauté des premiers ambassadeurs, qu’il faut construire et développer. Il s’agit bien d’une communauté, pas simplement d’un groupe, donc il faut la doter des outils de communication et d’animation pour que ce sentiment de communauté émerge. Elle doit devenir auto-organisée et développer sa propre capacité de recrutement (une génération d’ambassadeurs recrute la suivante) donc on retrouve les pratiques et les outils du Growth Hacking appliqués à cette communauté de fans (viralité et exploitation de tous les outils numériques pour propager des messages). Il faut aussi les reconnaitre et les récompenser : « You would be amazed at the power of a free T-shirt, coffee mug, pen, or notepad. (At one point, Apple had a $2-million-per-year T-shirt expense.) Evangelists love these goodies. It makes them feel as if they’re part of the team and special.Il faut bien sûr nourrir le dialogue avec cette communauté en les impliquant dans le processus de développement agile : les ambassadeurs jouent un rôle privilégié dans le « Customer Feedback Learning Loop ». C’est là aussi que le terme de co-développement avec les clients prend tout son sens.



Haut du formulaire




3. MOOC « The Family »



J’ai suivi pendant le mois d’Aout le MOOC sur l’entreprenariat proposé par The Family, qui s’appuie sur des contenus de Koudetat, dont une bonne partie est disponible sur YouTube. La qualité de cette petite formation (huit modules de 1h à 1h20, essentiellement par Oussama Amar) me fait vous encourager à vous inscrire et à en profiter. Je ne vais pas résumer ce que j’ai appris, ce serait trop long, je vais plutôt souligner certains points énoncés par Oussama Amar qui font écho à ce que viens d’écrire plus haut. De façon préliminaire, Oussama fait également quelques réserves sur le Lean Startup, que je ne retiens pas car elles correspondent à une définition étroite du Lean Startup (dans lequel cas ces réserves sont justifiée). Avec une vision plus large, tout ce que j’ai entendu nourrit ma réflexion et s’inscrit dans le cadre posé dans mon billet précédent.

  1. Une des idées les plus importantes de cette formation est que dans le monde numérique, si l’entrepreneur choisit un « bon problème », il doit pouvoir vendre la solution avant de la fabriquer ! C’est à la fois un test de pertinence « si le problème est important, les gens sont prêts à payer même si rien est prêt » et une stratégie de développement, dans la droite de ligne de l’effectuation. C’est ce que Oussama Amar résume par « sell it first », une caractéristique du « nouveau monde digital ». L’explosion de Kickstarter est une belle illustration de ce concept. Oussama fait cette citation « la première raison de l’échec, c’est parce qu’on construit des choses que les gens ne veulent pas » qui rappelle l’ouverture du livre d’Ash Maurya « Life is too short to build product that people do not use ». Le monde numérique offre de multiples façons de tester le marché avant que le produit existe, en particulier avec les « landing pages » qui exposent  la proposition de valeur. « Sell it first » est aussi une stratégie de « bootstrapping », pour ne pas dépenser trop tant que le succès n’est pas acquis. Oussama Amar insiste sur l’importance d’une stratégie de distribution accessible à la startup sans moyens de communication : « Le problème que vous attaquez doit toucher une niche qui  vous est accessible ».

  2. L’outil qui rend cette approche particulièrement effective est l’UVP (Unique Value Proposition). Une bonne UVP doit : dire au monde ce que l’on fait, proposer un « pitch » compréhensible en 10 secondes pour les utilisateurs de la cible, offrir un bénéfice immédiat et faire comprendre en quoi cette proposition est unique et différente. Une grande partie du cours est consacrée à la création et à l’optimisation de ces UVP, en utilisant des techniques de growth hacking. La segmentation du marché pour trouver sa cible idéale est fondamentale car les produits ou services universels ne sont pas à la portée des startups : il faut choisir un combat, toujours dans l’idée qu’il faut devenir un leader incontesté sur son propre marché. Le travail de design avec les personas prend toute sa place (« le design a pour but de réduire la friction et d’augmenter le plaisir »). Mais le travail de growth hacking également, ce qui est plus nouveau et propre au domaine numérique. Par exemple, Oussama Amar montre comment utilise Google AddWords pour améliorer son UVP en détectant les intentions des clients et l’importance de la terminologie, et comment utiliser les campagnes hyper-ciblées de Facebook pour construire et valider son analyse de segmentation, en produisant une « sociologie des futurs utilisateurs ». On trouve de multiples conseils sur comment réaliser et mettre en valeur ses UVPs sous forme de landing pages, avec des conseils très proches de ceux de Guy Kawasaki : utiliser des photos, travailler son « story telling », mettre les utilisateurs en avant (photos et testimonials) pour créer l’empathie, etc.

  3. Une autre des idées fondamentales de cet enseignement est  l’importance de la communauté des ambassadeurs : « la première chose à construire, c’est une communauté ». Oussama Amar cite Paul Graham : « Take extraordinary measures to acquire first users and to make them happy ». Il est fondamental d’offrir une expérience exceptionnelle à ses premiers clients. Il faut « Sur-délivrer en terme d’expérience pour compenser la sous-délivrance sur le produit ». L’objectif est d’établir une relation intime avec les 50 premiers clients. On retrouve ici les idées de Ash Maurya : la première étape est d’avoir un petit groupe de clients vraiment satisfaits, ensuite on fera l’effort d’aller chercher les autres.

  4. J’ai appris beaucoup de choses sur le Growth Hacking en écoutant ces cours. Par exemple la leçon sur l’optimisation de son taux de conversion (nombre d’inscription / nombre de visite) en utilisant toutes les ressources de l’A/B testing et des outils analytique est particulièrement intéressante. Oussama insiste beaucoup, comme Guy Kawasaki, sur les libellés (taglines) associés aux UVP. Tout comme le Lean Startup, il y a un débat implicite sur le périmètre du Growth Hacking. Si on le prend au sens strict, il s’agit d’activités qu’on exerce dans la phase de croissance, une fois le Product-Market Fit atteint. Dans les deux phases du « nail it, then scale it », le Growth Hacking devient un outil pour cette seconde phase. J’emploie le terme dans une acceptation plus large : le growth hacking commence dès que le MVP est prêt, et il joue un rôle pour atteindre le Product-Market Fit. C’est implicitement ce qu’enseignent Kawasaki ou Amar avec des utilisations de growth hacks (outils numériques et mesure) pour faciliter l’optimisation des UVP, la définition des cibles, la croissance de la communauté des ambassadeurs, l’optimisation de la viralité … pendant cette première phase de « nail it ».

  5. Le travail d’entrepreneur est un travail d’équipe ! L’équipe doit être petite au début, mais il faut plusieurs voix car le débat contradictoire est essentiel. Pour que ce débat contradictoire soit efficace, l’équipe doit être petite. On ne peut pas naviguer pendant les premier temps incertains avec un « comité ». Il faut beaucoup de passion … et beaucoup de travail ! Oussama Amar recommande ainsi de partir d’un problème que l’équipe fondatrice vit au quotidien. Ce n’est pas la seule solution, mais c’est la meilleure façon de garantir que l’équipe vit et respire avec son problème, ce qui est une marque d’identité des startups qui ont réussi.

Un des messages les plus forts de ce MOOC est l’exigence de la démarche d’entrepreneur. Cela contraste singulièrement avec la fausse simplicité des méthodes d’innovation proposées par les nombreux consultants en innovation en ce moment. En caricaturant pour forcer le trait, ces méthodes sont une combinaison de : une phase d’observation en  quelque jours, l’idée que tout le monde est designer, des workshops d’idéation de quelques heures, une phase de prototypage sous-traitée, un pilotage avec une équipe transverse très large – pour prendre en compte l’avis de toutes les parties prenantes, et un mode de travail ou chacun participe de façon discontinue – un projet parmi d’autres. Pour accentuer la difficulté, on vend la rapidité du processus puisqu’il faut « aller vite pour être agile » et abandonner vite si cela ne fonctionne pas. La démarche d’entreprenariat telle que proposée par Oussama Amar est à l’exact opposé : peu de personnes, beaucoup de passion, beaucoup de travail, en continu, tous les jours. On ne délègue plus la fabrication du prototype, ni du MVP, parce que l’innovation est dans l’action de fabriquer – Il faut écouter Oussama Amar expliquer que tout le monde doit savoir programmer, au moins pour commencer. L’observation est continue, elle prend des mois, voire des années. Tout le monde n’est pas designer, donc on évite le design by committee (il ne faut pas confondre le premier prototype du design thinking et le MVP). La démarche agile du lean startup est bien tournée vers le « fail fast », mais il faut de nombreuses itérations pour produire un succès, et il faut donc de la persévérance.

Je ne partage pas l’idée que la culture entrepreneuriale est radicalement différente de celle des grandes entreprises et que toute tentative d’imitation est vouée à l’échec (une idée qui est expliqué avec talent, car elle n’est pas sans fondement, dans le livre « The Lean Entreprise » que j’ai déjà commenté ou par certains exposés de The Family). Mais je ne suis pas naïf non plus :
  • Certains aspects de la culture de startup ne sont simplement pas transposables
  • Il y a des conditions de focus, de passion, d’énergie qui sont très difficiles à recréer dans une grande entreprise (c’est d’ailleurs pour cela qu’écouter Oussama Amar est très intéressant).



1 commentaire:

  1. L'intelligence collective appliquée aux groupes humains, aux entreprises plus précisément, est au cœur de votre brillante réflexion (bien que vous n'utilisiez jamais l'expression). Mon souhait pour 2016 est qu'au moins une partie de cette culture et de ce savoir faire inspire le milieu politique, en le transposant intelligemment, bien entendu, puisque le contexte n'est pas le même. J'ai écrit un texte dans ce sens pour les convivialistes, l'intelligence collective appliquée aux groupes humains.

    RépondreSupprimer